jeudi 4 mars 2010

Peut-on discréditer un ennemi?

Article parut dans : ‘Simple lettre’ Janvier-Février 1994, n° 84.

Convient-il en combattant l’erreur de combattre et de discréditer la personne qui la soutient ?
«Oui, très souvent il convient et non seulement il convient, mais encore il est indispensable et méritoire devant Dieu et devant la société, qu’il en soit ainsi» (Sarda).
En effet, les idées ne pourraient, réduites à elles seules, produire tout le mal dont souffre la société.
«Elles sont semblables aux flèches et aux balles qui ne causeraient de blessure à personne, si on ne les lançait avec l’arc ou le fusil c’est donc à l’archer et au fusilier qu’on doit s’en prendre d’abord» (id.).
Les Pères fournissent la preuve de cette thèse. Les œuvres de Saint Augustin, par exemple, portent presque toutes en tête le nom de l’auteur de l’hérésie qu’elles combattent Contra Fortunatum, contra Felicem… etc…

Est-il donc licite, en certains cas, de révéler en public les infamies de celui qui soutient ou propage l’erreur ?
Mais parfaitement !
«Est-il permis, demandait-on un jour à Saint François de Sales, de mal parler d’un hérétique qui répand de mauvaises doctrines ?» - «Oui, répondit-il, vous le pouvez à la condition de vous en tenir à l’exacte vérité, à ce que vous savez de sa mauvaise conduite, présentant ce qui est douteux comme douteux, et selon le degré plus ou moins grand du doute que vous aurez à cet égard.»
Il est donc permis de révéler ses défauts, de ridiculiser ses habitudes, et même… de se moquer de lui !

«Messieurs les libéraux voudraient surtout être toujours pris très au sérieux, estimés, révérés, courtisés et traités comme des personnages importants. Ils se résigneraient bien à ce qu’on les réfute, mais à condition que ce soit chapeau bas… De là viennent leurs plaintes, lorsque parfois on les chansonne, c’est-à-dire quand on se moque d’eux… Le premier venu comprendra sans peine que faire rire honnêtement aux dépens du vice et de l’homme vicieux est une chose fort bonne en soi…» (Article de la Civilta Cattolica).

Les grands docteurs recommandent sans doute la mesure, l’indulgence, la modération.
«Ce qui n’empêche pas que, sans contredire leurs propres principes, ils n’emploient eux-mêmes, à tout instant, l’arme de l’indignation, quelquefois celle du ridicule, avec une vivacité et une liberté de langage qui effaroucheraient notre délicatesse moderne» (Cardinal Pie).

Combattre ainsi un hérétique, passe encore… Mais combattre un catholique… peut-être un ami ?
Mais un catholique libéral est un hérétique ! L’Église a condamné de nombreuses fois le libéralisme, et même le libéralisme catholique. Pie IX le déclara plus terrible que la Révolution, plus terrible que la Commune !
«Lorsque nous avons tant de fois blâmé les sectateurs de ces opinions libérales, nous n’avons pas en vue les ennemis déclarés de l’Église… mais ceux dont nous venons de parler : catholiques qui sont d’ailleurs honnêtes et pieux, et qui, par l’influence que leur donnent leur religion et leur piété, peuvent très facilement capter les esprits et les induire à professer des maximes très pernicieuses.» (Pie IX).
De plus, n’oubliez pas qu’il n’est pas nécessaire que l’autorité ecclésiastique se soit prononcée pour que le simple fidèle serve de chien de garde et aboie !

Peut-être, en effet, s’agira-t-il d’un ami ? - Mais si mon ami pharmacien vend de la drogue, dois-je me taire, au nom de l’amitié ? Pour le bon sens, la réponse ne fait pas de doute.
Mal parler de son prochain… n’est-ce pas contraire à la charité ?
Quand ils sont attaqués, les libéraux ne cessent de réclamer la charité ! La charité qu’ils voudraient de nous, ce serait de les louer, de les admirer, de les appuyer, ou tout au moins de les laisser agir à leur guise. Nous au contraire nous ne voulons leur faire que la charité de les interpeller, de les reprendre, de les exciter par mille moyens à sortir de leur mauvaise voie. Quand ils disent un mensonge… ils voudraient nous voir cacher ces petits péchés véniels… Quand ils leurs échappent quelque distraction grammaticale… ils nous prient de fermer les yeux… Qu’ils cessent de se plaindre de notre manque de charité ! (La Civilta cattolica).
On peut aimer le prochain, bien et beaucoup, en lui déplaisant, en le contrariant, en lui causant un préjudice matériel, et même, en certaines occasions, en le privant de la vie. (Sarda).
«La charité, en effet, implique, avant tout, l’amour de Dieu et de la vérité ; elle ne craint donc pas de tirer le glaive du fourreau pour l’intérêt de la cause divine, sachant que plus d’un ennemi ne peut être renversé ou guéri que par des coups hardis et des incisions salutaires». (Cardinal Pie).
«Édulcorer la vérité pour éviter de faire de la peine à tel ou tel n’est pas pratiquer la charité : c’est la trahir.» (Mgr Rupp).
«Si les libéraux réclament tant la charité, c’est qu’ils n’aiment pas la vérité ! Notre temps n’aime pas la vérité… et dans le petit nombre de ceux qui aiment la vérité, plusieurs, pour ne pas dire beaucoup, n’aiment point ceux qui se mettent en avant pour la défendre. On les trouve indiscrets, importuns, inopportuns.» (Louis Veuillot).
«S’il en est quelques-uns qui, pour l’amour de la loi chrétienne, osent résister en face aux impies, non seulement ils ne trouvent pas d’appui chez leurs frères, mais on les taxe d’imprudence et d’indiscrétion, on les traite de fous.» (Pape Grégoire VII)
«L’intolérance à l’égard des défenseurs des principes est, avec la tolérance pour les patrons de l’erreur, un des symptômes les plus caractéristiques de la contagion libérale.» (R.P. Ramière)

N’y a-t-il pas cependant le devoir de respecter les personnes ?
«Le principe moderne et révolutionnaire de la respectabilité des personnes en toute hypothèse, de la tolérance à outrance à l’égard des personnes est une grosse hérésie sociale qui a fait beaucoup de mal et en fera encore plus à mesure que cette idée ira se vulgarisant davantage, à savoir que la personne humaine est toujours aimable, toujours sacrée, toujours digne de respect, quelles que soient les erreurs théoriques ou pratiques qu’elle porte avec elle à travers le monde.» (Ami du Clergé).
«Si supporter les injures qui n’atteignent que nous-mêmes (et respecter les personnes qui les profèrent) est un acte vertueux, supporter celles qui atteignent Dieu est le comble de l’impiété.» (Saint Thomas d’Aquin).

Aucune collaboration n’est donc possible avec les libéraux ?
«Les Associations catholiques devront porter principalement leur soin à exclure de leur sein, non seulement tous ceux qui professent ouvertement les maximes du libéralisme, mais encore ceux qui se forgent l’illusion de croire possible la conciliation du libéralisme avec le catholicisme, et sont connus sous le nom de catholiques libéraux.» (La Civilto cattolica).