mardi 2 mars 2010

Concini, Medici & Cie.

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Depuis leur expulsion du 17 septembre 1394 pour les raisons que l’on peut imaginer, il n’y avait plus de Juifs en France et ce, jusqu’à la conquête de l’Alsace par Louis XIV en 1678. Ni le Roi Soleil, ni d’ailleurs aucun autre souverain européen, ne leur accordèrent le droit de citoyenneté, qu’ils n’obtinrent qu’à la faveur du chaos général généré par la révolution française.

Après l’exécution libératrice de l’hérétique Henri IV, cependant, quelques Juifs parvinrent à s’infiltrer dans le pays à la faveur de la régence, qu’assurait la reine Marie de Médicis. Celle-ci était littéralement tombée sous la coupe de l’Italien Concini et de son épouse, la “noiraude hystérique” Léonora Galigaï, une femme capricieuse et cupide, atteinte d’épilepsie, qui pratiquait l’exorcisme et le désenvoûtement.

Pendant sept ans, de 1610 à 1617, ce couple d’origine étrangère, entouré de juifs, accumula une fortune colossale et régna sur la France par la terreur. La fortune de Léonora Galigaï était estimée à 15 millions de livres, soit l’équivalent des trois-quarts du budget annuel de la France, sans compter environ un million de livres en bijoux et argenterie. L’impiété et la corruption avaient gagné tout le pays.
“On avait jamais vu jusque-là dans ce pays un aussi grand pouvoir, exercé pendant tant d’années, avec une telle absence de scrupules”, écrit l’historien Michel Carmona dans sa biographie de Marie de Médicis.

La réaction des Français de souche fut énergique. Le Parlement de Paris renouvela solennellement l’édit d’expulsion des juifs par lettres patentes enregistrées le 12 mai 1615. On vivait alors dans une atmosphère de guerre civile.

Pour intimider les Parisiens, Concini fit dresser 50 potences en divers points de la capitale. Les gardes-françaises furent remplacés par les Suisses allemands, peu portés à fraterniser avec la population, et des Italiens, tout dévoués à leur compatriote. Un peu comme aujourd’hui, en somme, où policiers et gendarmes sont de plus en plus choisis parmi la population issue de la « diversité ».

C’est finalement le baron de Vitry, capitaine des gardes du corps, qui allait se charger de régler cette affaire, avec l’accord de Louis XIII, qui n’avait que 15 ans. Le 24 avril 1617, dans la cour du Louvre, Vitry et ses gardes s’approchèrent de Concini, isolé de son escorte :
“De par le Roi, je vous arrête”, dit-il d’une voix forte. Les Français ajustèrent leurs pistolets, et le signor Concini se prit illico trois balles bien placées : une entre les deux yeux, une dans la gorge et une troisième dans l’œil. Pour plus de sûreté, on lui larda le corps de coups de dague avant de le dépouiller complètement ─ bijoux, papiers, vêtements, tout fut enlevé.

Dans la salle des gardes, on entendit à peine les quelques mots que prononça Louis XIII : “Merci ! Grand merci à vous ! A cette heure, je suis Roi.”
Après le déjeuner, Louis monta à cheval et fit un tour dans Paris, où il fut acclamé par une foule en délire.

Le lendemain, le cadavre de Concini, qui avait été hâtivement inhumé dans l’église de Saint-Germain l’Auxerrois, fut exhumé parles Parisiens, roué de coups et traîné dans les rues de la capitale. Le corps mutilé fut ensuite pendu par les pieds à l’une des potences que Concini avait lui-même fait ériger, puis à nouveau battu, outragé. On en fit cuire quelques morceaux. Ses restes furent finalement entièrement brûlés et jetés aux quatre vents.

Tandis que le roi recevait un défilé ininterrompu de courtisans venus le féliciter, Leonora Galigaï fut elle aussi arrêtée.
“Elle enfouissait son or, ses pierreries, son argenterie en sa paillasse, se couchait dessus comme une bête protège sa couvée”, écrit Philippe Erlanger dans sa biographie de Louis XIII. Elle s’avilit jusqu’à dire de son mari qu’”il l’avait mérité”, mais cette dernière bassesse ne la sauva pas.
La Galigaï était accusée de sorcellerie, et la présence de médecins juifs à ses côtés, comme ce Philothée Montalto, n’arrangea pas son cas. Kabbale, magie et sorcellerie ne faisait qu’un dans l’esprit des gens à cette époque. Le 8 juillet 1617, elle fut condamnée à avoir la tête tranchée sur un échafaud dressé en place de Grève. La décision était exécutoire le jour même. Son corps et sa tête furent brûlés et réduits en cendre.