mardi 2 mars 2010

Oui Chef!

Depuis 1968, date de la disparition de toute autorité osant se reconnaître comme telle, on n’a plus, dans tous les domaines que des chefs hypocrites. J’appelle hypocrite le chef qui gouverne à la godille, pour faire avancer les affaires, sans jamais s’en montrer responsable. Faire avancer les affaires veut simplement dire qu’il tire honorablement ses marrons du feu pour maintenir le peu d’autorité qui reste à ses adresses. Il est très fier de ses adresses, la principale étant de parvenir à maintenir avec si peu de compétence ni de perspective. Il aime volontiers, sous ses ordres, des gens doux, sans projet, avec le minimum de compétence pour assurer la survie du statu quo, sans toutefois créer de turbulence. Déplaire est son horreur, mais il est bien incapable de plaire. Il est très habile à défaire, très peu à construire. La peur - une peur au front de taureau - est son mobile universel et inavouable. Il ne va jamais de l’avant parce que toujours il fuit quelque chose. Imaginez la bonté qui peut alors se cacher sous son sourire ! quand il parait détendu…S’il est humble, il attend la retraite. S’il est orgueilleux, il travaille - c’est son seul véritable labeur - à se faire reconduire.

AUTORITE NATURELLE ET AUTORITE INSTITUTIONNELLE.

Qu’on le veuille ou non, la déliquescence des autorités institutionnelles - à tous les niveaux - va rendre plus nécessaire, et comme constitutive l’autorité naturelle qu’un homme a ou n’a pas. Evidemment, l’idéal est que les deux coïncident. Que celui qui, de droit, détient l’autorité, la possède par naissance en sa personne. Un chef doit comprendre avant tout, surtout s’il est honnête, qu’il ne suffit pas d’avoir raison : on lui demande bien plus : réussir. S’il a raison et qu’il échoue, il n’est que plus coupable. On demande à tous d’avoir raison, mais à quelques-uns seulement de gouverner.
Ce qui est terrible dans l’autorité, c’est que ni le mandat, ni les compétences ne s’acquièrent. On reçoit le premier de Dieu ou d’un supérieur, on possède les autres par nature. En ce sens on est chef ou pas, toute tentative de le devenir est une contorsion malfaisante, pitoyable et grotesque.

AUTORITE ET VERTU.

La grande vertu du chef est la prudence, selon saint Thomas. A condition qu’on entende sous ce vocable la même chose que lui. Et non pas cet art mesquin d’éviter les remous, de rester dans le convenable, voire dans le confortable. Attacher sa ceinture et respecter les balises ne suffit pas à faire un bon pilote. C’est que la vertu de prudence n’est pas passive, mais entreprenante. Elle est devant et non derrière l’homme. Elle voit loin, elle voit grand, et toujours le bien commun qui spécifie le chef. Le bon mauvais chef est typiquement celui qui règle tout en fonction des biens privés. Les seules exceptions étant l’autorité parentale et l’autorité du supérieur religieux sur des sujets ayant fait le vœux d’obéissance dans le cadre d’une règle.

A commencer par sa personne, s’il mélange autorité et vertu, ses "hommes" vont souffrir : il ne leur donnera plus qu’un exemple alors qu’il doit leur procurer le bien commun. Ce dernier est toute l’ampleur de son autorité, comme aussi sa limite. La vertu là-dedans n’est tout au plus que la cuirasse de saint Paul : la justice, qui évite les coups, personnels d’ailleurs.
J’ai toujours en tête les lamentations de Paul VI sur son humble personne tandis qu’il démolissait inexorablement l’Eglise par d’innombrables mesures, les très rares bonnes étant tardives, craintives… à reculons toujours.

Le bon chef est magnanime. Il aime la compétence de ses collaborateurs, il s’en réjouit, l’utilise, la place, il l’augmente même, pourvu qu’il la gère. Il a plus d’égard pour ses meilleurs, quoiqu’il soit bon avec tous. Il est fort, ignore la peur, va de l’avant, n’est craint que de la canaille quoique respecté de tous. Il est jeune et ardent, même avancé en âge. Il n’a rien de fadasse, ni de falot, il inspire confiance, et finalement on l’aime malgré ses exigences parce qu’on sent derrière elles, non dit, un réservoir inépuisable de bonté. On le voit, la charité est le vrai diadème du chef.
On devrait ajouter aux prières du Salut :
Seigneur donnez-nous des chefs
Seigneur donnez-nous de vrais chefs
Inutile d’ajouter beaucoup, il en faudrait bien peu.


LE POUVOIR ET L’AUTORITE.

« Avant d’être le «pouvoir de se faire obéir » grâce à des moyens de contrainte extérieure, l’autorité est d’abord un pouvoir personnel, un pouvoir intime de se faire obéir, et plus généralement de se faire suivre, de se faire respecter, admirer, aimer ... C’est un pouvoir naturel de susciter l’adhésion, l’imitation, le désir de ressembler, d’accéder, un pouvoir créateur et augmentateur.

Toujours, au commencement, l’autorité est le pouvoir d’un homme seul.
L’autorité, c’est tout simplement la personnalité, considérée dans ses rapports avec autrui. Nul n’a d’autorité que dans la mesure où il excelle. Le savant a une autorité scientifique, le saint une autorité religieuse, l’homme intelligent une autorité intellectuelle. Il y a, toutefois, un certain type d’autorité par lequel la personne s’impose au groupe social, elle sait se faire obéir tout en sachant organiser.

C’EST L’AUTORITE QUI EST LE FONDEMENT DU POUVOIR, et non pas le pouvoir le fondement de l’autorité. Commander, c’est faire faire en donnant des ordres.
Il y a une correspondance finale qui existe entre l’ordre qu’on donne et l’ordre de la réalité objective parce que c’est la manière la plus sûre d’éliminer l’arbitraire dans le commandement. L’arbitraire est ce que le subordonné supporte le plus impatiemment, parce qu’il y voit la substitution d’une volonté propre à la volonté du bien commun qui n’est que la volonté d’assurer l’ordre des choses pour le profit de tous. LE COMMANDEMENT N’EST QUE LA REVELATION DE L’ORDRE.





LES REGLES DU BON COMMANDEMENT



1° La relation au but.

Le premier principe de commandement est pour le chef de rendre sensible à tous les membres du groupe la relation qui existe entre ce qu’il leur est demandé de faire et le but à atteindre.
Savoir le but se décompose en connaître les buts et comprendre les raisons. Cela se réalise par l’information. Le chef commandera d’autant mieux qu’il informera mieux. En fin de compte, il s’agit de rendre le travail plus intelligent et plus conscient. Il s’agit de faire que les ordres donnés apparaissent au maximum comme la manifestation de l’ordre des choses à atteindre.


2° La justice.

ELLE CONSTITUE LA RELATION HUMAINE PAR EXCELLENCE. On observera que le jugement final qu’un subordonné porte sur son chef concerne toujours sa justice. C’est en somme la qualité fondamentale qui est exigée de lui.

3° La clarté.

On commande bien quand on commande clairement. Les ordres donnés doivent être clairs, sans quoi le subordonné se sent dans le risque d’être mis en défaut. Il supporte très mal qu’un supérieur puisse imputer à sa mauvaise volonté ou à sa négligence ce qui sera l’effet d’instructions vagues ou obscures. La clarté doit être dans les règlements comme dans les ordres et elle doit être dans les situations comme dans les règlements. Un subordonné doit savoir de qui il dépend

4° La certitude.

Un ordre clair est celui qui est parfaitement compréhensible. Un ordre certain est celui qui ne sera ni contredit, ni rapporté, ni laissé sans contrôle. On ne suit que le chef qui sait ce qu’il veut. Un chef qui commande bien est celui dont on sait que l’ordre qu’il a donné doit être exécuté.

5° La personnalisation.

Un exemple parlera mieux que toute autre discours : Napoléon ne connaissait pas tous ses soldats mais à l’occasion il savait parler à un hussard, tirer l’oreille d’un grenadier, appeler par son nom un voltigeur. Ainsi tous les soldats savaient que derrière la machinerie de la Grande Armée il y avait un homme et ils avaient pour lui une admiration et un amour sans borne.

6° Contrôle et sanction.

Il faut contrôler pour voir comment les ordres sont exécutés et il faut sanctionner par les félicitations ou par le blâme. C’est la meilleure manière de faire respecter objectivement l’ordre en évitant la contrainte.
Psychologiquement, c’est en même temps un des plus puissants excitants au travail et au travail bien fait. Tout subordonné, y compris les plus haut placés dans la hiérarchie, est sensible au contrôle, du moins quand celui-ci est bien fait. Car la part de contrainte qu’il y a dans une surveillance faite intelligemment est beaucoup moins pesante que n’est agréable le fait que le travail est connu et apprécié.

Le contrôle n’est agaçant ou insupportable que quand il s’applique à l’exécution du travail en cours car nul n’aime avoir quelqu’un sur son dos pendant qu’il fait ce qu’il a à faire. La sanction est normale si elle est simplement l’expression d’un jugement juste sur le travail exécuté.
L’absence ou l’insuffisance de contrôle et de sanction ne sont pas seulement une prime au mauvais travail, c’est en quelque sorte l’expression du manque d’intérêt porté au travailleur. Rien n’est plus décourageant et déprimant pour le subalterne que d’avoir l’impression qu’on l’ignore ou qu’on ne s’occupe pas de lui.