jeudi 4 mars 2010

L'Enfer, par Mgr de Ségur.

Extraits:
(…)
Sans vouloir excuser outre mesure les péchés de faiblesse dont les bons chrétiens eux-mêmes se rendent trop souvent coupables, il faut reconnaître qu'il y a un abîme entre ceux qui les commettent et ceux que l'Ecriture Sainte appelle généralement « les pécheurs ». Ceux-ci sont les âmes perverses, les coeurs impénitents, qui font le mal par habitude, sans remords, comme chose toute simple, et qui vivent sans DIEU, en révolte permanente contre JESUS-CHRIST. Ce sont les pécheurs proprement dits, les pécheurs de profession. « Ils pèchent tant qu'ils vivent, disait d'eux saint Grégoire ; ils pêcheraient toujours, s'ils pouvaient vivre toujours ; ils voudraient toujours vivre, pour pouvoir toujours pécher. Pour ceux-là, une fois qu'ils sont morts, la justice du souverain Juge exige évidemment qu'ils ne soient jamais sans châtiment, puisqu'ils n'ont jamais voulu être sans péché .
Telles ne sont pas les dispositions des autres. Quantité de pauvres âmes tombent dans le péché mortel, et cependant elles ne sont ni mauvaises ni corrompues, encore moins impies. Celles-là ne font le mal que par occasion, par entraînement ; c'est la faiblesse qui les fait tomber, et non l'amour du mal dans lequel elles tombent. Elles ressemblent à un enfant qu'on arracherait des bras de sa mère par violence ou par séduction ; qui se laisserait ainsi séparer et éloigner d'elle, mais avec regret, sans la quitter du regard et comme en lui tendant les bras ; à peine le séducteur l'a-t-il lâché, qu'il revient, qu'il court se jeter, repentant et joyeux, dans les bras de sa bonne mère.
Tels sont ces pauvres pécheurs d'occasion, presque de hasard, qui n'aiment point le mal qu'ils commettent, et dont la volonté n'est pas gangrénée, au moins dans son fond. Ils subissent le péché, plutôt qu'ils ne le recherchent ; ils s'en repentent déjà pendant qu'ils s'y abandonnent. De tels péchés ne sont-ils pas bien plus excusables ? Et comment la miséricorde adorable du Sauveur n'accorderait-elle pas facilement, surtout au moment décisif de la mort, de grandes grâces de repentir et de pardon à des enfants prodigues qui, tout en l'offensant, ne lui ont point tourné le dos, et qui, tout en se laissant entraîner loin de lui, ne l'ont point quitté du regard et du désir ?
On peut affirmer que le DIEU qui a dit : « Jamais je ne rejetterai celui qui vient à moi » trouvera toujours dans son divin Coeur des secrets de grâces et de miséricordes suffisants pour arracher ces pauvres âmes à la damnation éternelle. Mais, disons-le bien haut, c'est là un secret du Coeur de DIEU, un secret impénétrable aux créatures, sur lequel il ne faut pas trop compter ; car il laisse subsister en son entier cette redoutable doctrine, qui est de foi, à savoir que tout homme qui meurt en état de péché mortel est damné éternellement et voué dans l'enfer aux châtiments que méritent ses fautes.
Un mot encore, en terminant. Que les esprits subtils et les « âmes sensibles » qui cherchent à ergoter au lieu de croire simplement et de se sanctifier, se rassurent en pensant aux réprouvés. La justice, la bonté, la sainteté de Notre-Seigneur régleront tout pour le mieux, soit dans l'enfer, soit dans le Purgatoire ; il n'y aura pas là l'ombre, ni même la possibilité d'une injustice quelconque. Tous ceux qui seront en enfer auront parfaitement mérité d'y être et d'y demeurer éternellement ; quelque terribles qu'elles puissent être, leurs peines seront absolument proportionnées à leurs fautes.
Il n'en est pas ici comme des tribunaux, des lois et des juges de la terre, qui peuvent se tromper, qui peuvent frapper à tort, punir trop ou pas assez : le Juge éternel et souverain JESUS-CHRIST sait tout, voit tout, peut tout ; il est plus que juste, il est la Justice même ; et dans l'éternité, comme il nous l'a déclaré de sa propre bouche, « il rendra à chacun selon ses oeuvres », ni plus ni moins.
Donc, tout épouvantables, tout incompréhensibles qu'elles sont à l'esprit humain, les peines éternelles de l'enfer sont et seront souverainement, éternellement justes.

Quels sont ceux qui prennent le chemin de l'enfer ?
Ce sont d'abord les hommes qui abusent de l'autorité, dans un ordre quelconque, pour entraîner leurs subordonnés dans le mal, soit par la violence, soit par la séduction. « Un jugement très dur » les attend. Vrais Satans de la terre, c'est à eux que s'adresse, en la personne de leur père, la redoutable parole de l'Ecriture ; « 0 Lucifer, comment es-tu tombé des hauteurs du ciel ? »
Ce sont tous ceux qui abusent des dons de l'esprit pour détourner du service de DIEU les pauvres gens et pour leur arracher la foi. Ces corrupteurs publics sont les héritiers des pharisiens de l'Evangile, et ils tombent sous cet anathème du Fils de DIEU : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux. Vous-mêmes vous n'y entrez point, et vous empêchez les autres d'y entrer. Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous parcourez la terre et les mers pour faire un prosélyte et quand vous l'avez gagné, vous faites de lui un fils de l'enfer, deux fois pire que vous ». - A cette catégorie appartiennent les publicistes impies, les professeurs d'athéisme et d'hérésie, et cette tourbe d'écrivains sans foi et sans conscience qui, chaque jour, mentent, calomnient, blasphèment sciemment, et dont le démon, père du mensonge, se sert pour perdre les âmes et insulter JESUS-CHRIST.
Ce sont les orgueilleux, qui, pleins d'eux-mêmes, méprisent les autres et leur jettent impitoyablement la pierre. Hommes durs et sans coeur, ils trouveront, s'ils ne se convertissent au moment de leur mort, un Juge impitoyable, lui aussi.
Ce sont les égoïstes, les mauvais riches, qui, noyés dans les recherches du luxe et de la sensualité, ne pensent qu'à eux-mêmes, et oublient les pauvres. Témoin le mauvais riche de l'Evangile, duquel DIEU lui-même a dit : « Il fut enseveli dans l'enfer ».
Ce sont les avares, qui ne songent qu'à amasser des écus, qui oublient JESUS-CHRIST et l'éternité. Ce sont ces hommes d'argent qui, au moyen d'affaires plus que douteuses, au moyen d'injustices accumulées sourdement et de commerces malhonnêtes, au moyen d'achats de biens d'Eglise, font ou ont fait leur fortune, grande ou petite, sur des bases que réprouve la loi de DIEU. Il est écrit d'eux « qu'ils ne posséderont point le royaume des cieux ».
Ce sont les voluptueux, qui vivent tranquillement, sans remords, dans leurs habitudes impudiques, qui s'abandonnent à toutes leurs passions, n'ont d'autre Dieu que leur ventre, et finissent par ne plus connaître d'autre bonheur que les jouissances animales et les grossiers plaisirs des sens.
Ce sont les âmes mondaines, frivoles, qui ne pensent qu'à s'amuser, qu'à passer follement le temps, les gens honnêtes selon le monde, qui oublient la prière, le service de DIEU, les sacrements du salut. Ils n'ont aucun souci de la vie chrétienne ; ils ne pensent point à leur âme ; ils vivent en état de péché mortel, et la lampe de leur conscience est éteinte, sans qu'ils s'en inquiètent. Si le Seigneur vient à l'improviste, comme il l'a prédit, ils entendront la terrible réponse qu'il adresse, dans l'Evangile, aux vierges folles : « Je ne vous connais point ». Malheur à l'homme qui n'est point revêtu de la robe nuptiale ! Le souverain Juge ordonnera à ses Anges de saisir, au moment de la mort, « le serviteur inutile », pour le faire jeter, pieds et poings liés, dans l'abîme des ténèbres extérieures, c'est-à-dire dans l'enfer !
Ceux qui vont en enfer, ce sont les consciences faussées et retorses, qui foulent aux pieds, par de mauvaises confessions et des communions sacrilèges, le Corps et le Sang du Seigneur, « mangeant ainsi et buvant leur propre condamnation », selon la terrible parole de saint Paul. Ce sont les gens qui, abusant des grâces de DIEU, trouvent moyen d'être mauvais dans les milieux les plus sanctifiants ; ce sont les coeurs haineux, qui refusent de pardonner.
Ce sont enfin les sectaires de la Franc-Maçonnerie et les victimes insensées des sociétés secrètes, qui se vouent, pour ainsi dire, au démon en faisant le serment de vivre et de mourir en dehors de l'Eglise, sans sacrements, sans JESUS-CHRIST et, par conséquent, contre JESUS-CHRIST.
Je ne dis pas que tous ces pauvres gens-là iront certainement en enfer : je dis qu'ils y vont, c'est-à-dire qu'ils en prennent le chemin. Heureusement pour eux, ils n'y sont point encore arrivés, et j'espère qu'avant la fin du voyage, ils aimeront mieux se convertir humblement que de brûler éternellement.
Hélas ! le chemin qui conduit à l'enfer est si large, si commode ! il va toujours en descendant, et il suffit de se laisser aller. Notre Sauveur nous dit en toutes lettres : « La voie qui mène à la perdition est large, et il y en a beaucoup qui s'y engagent ! »
Examinez-vous, lecteur mon ami ; et si, par malheur, vous avez besoin de rebrousser chemin, de grâce, n'hésitez pas, et sortez bravement de la voie de l'enfer tandis qu'il en est temps encore.

Si l'on est certain de la damnation de quelqu'un que l'on voit mal mourir
Non ; c'est le secret de DIEU seul.
Il y a des gens qui envoient tout le monde en enfer, comme il y en a d'autres qui envoient tout le monde au ciel. Les premiers s'imaginent être justes, et les seconds se croient charitables. Les uns et les autres se trompent ; et leur première erreur est de vouloir juger des choses qu'il n'est pas donné à l'homme de connaître ici-bas.
En voyant mal mourir quelqu'un, on doit trembler sans doute, et non point se dissimuler l'effrayante probabilité d'une réprobation éternelle. C'est ainsi qu'à Paris, il y a quelques années, une malheureuse mère, apprenant la mort de son fils dans d'affreuses circonstances, resta, deux jours durant, à genoux, se traînant de meuble en meuble, poussant des cris de désespoir, et répétant sans cesse : « Mon enfant ! mon pauvre enfant !... dans le feu !... brûler, brûler éternellement ! » C'était horrible à voir et à entendre.
Et néanmoins, quelque probable, quelque certaine que puisse paraître la perte éternelle de quelqu'un, il reste toujours, dans l'impénétrable mystère de ce qui se passe entre l'âme et Dieu au moment suprême, de quoi ne pas désespérer. Qui dira ce qui se passe au fond des âmes, même, chez les plus coupables, dans cet instant unique où le Dieu de bonté, qui a créé tous les hommes par amour, qui les a rachetés de son sang et qui veut le salut de tous, fait nécessairement, pour sauver chacun d'eux, son dernier effort de grâce et de miséricorde ? Il faut si peu de temps à la volonté pour se retourner vers son Dieu !
Aussi l'Eglise ne tolère-t-elle point que l'on prononce, comme certaine, la damnation de qui que ce soit. C'est, en effet, usurper la place de DIEU. Sauf Judas, et quelques autres encore dont la réprobation est plus ou moins explicitement révélée par Dieu lui-même dans l'Ecriture Sainte, la damnation de personne n'est absolument sûre.
(…)
C'est là ce qui peut laisser quelque espérance et apporter quelque consolation aux véritables chrétiens, en présence de certaines morts effrayantes, subites et imprévues, ou même positivement mauvaises. A ne juger que l'apparence, ces pauvres âmes sont évidemment perdues : il y a tant d'années que ce vieillard vivait loin des sacrements, se moquait de la Religion, affichait l'incrédulité ! Ce pauvre jeune homme, mort sans pouvoir se reconnaître, se conduisait si mal, et ses moeurs étaient si déplorables ! Cet homme, cette femme, ont été surpris par la mort dans un si mauvais moment, et il parait si certain qu'ils n'ont pas eu le temps de rentrer en eux-mêmes ! N'importe : nous ne devons pas, nous ne pouvons pas dire d'une manière absolue qu'ils sont damnés. Sans rien relâcher des droits de la sainteté et de la justice de Dieu, ne perdons jamais de vue ceux de sa miséricorde.
Je me rappelle à ce sujet un fait bien extraordinaire, et tout à la fois bien consolant. La source d'où je le tiens, est pour moi un sûr garant de sa parfaite authenticité.
Dans un des meilleurs couvents de Paris, vit encore aujourd'hui une Religieuse, d'origine juive, aussi remarquable par ses hautes vertus que par son intelligence. Ses parents étaient israélites, et je ne sais comment, à l'âge d'environ vingt ans, elle se convertit et reçut le Baptême. Sa mère était une vraie juive ; elle prenait sa religion au sérieux, et pratiquait d'ailleurs toutes les vertus d'une bonne mère de famille. Elle aimait sa fille avec passion.
Lorsqu'elle apprit la conversion de sa fille, elle entra dans une fureur indescriptible ; à partir de ce jour, ce fut un déchaînement non interrompu de menaces et de ruses de tout genre pour ramener « l'apostate », comme elle l'appelait, à la religion de ses pères. De son côté, la jeune chrétienne, pleine de foi et de ferveur, priait sans cesse et faisait tout pour obtenir la la conversion de sa mère.
Voyant la stérilité absolue de ses efforts, et pensant qu'un grand sacrifice obtiendrait, plus que toutes les prières, la grâce qu'elle sollicitait, elle résolut de se donner tout entière à JESUS-CHRIST et de se faire Religieuse ; ce qu'elle exécuta courageusement. Elle avait alors environ vingt-cinq ans. La malheureuse mère fut plus exaspérée que jamais et contre sa fille et contre la religion chrétienne ; ce qui ne faisait qu'augmenter l'ardeur de la nouvelle Religieuse, pour conquérir à DIEU une âme aussi chère.
Elle continua ainsi pendant vingt ans. Elle voyait sa mère de temps en temps ; l'affection maternelle était un peu revenue ; mais du moins en apparence, aucun progrès du côté de l'âme.
Un jour, la pauvre Religieuse reçoit une lettre qui lui apprend que sa mère vient d'être enlevée par une mort subite. On l'avait trouvée morte dans son lit.
Décrire le désespoir de la Religieuse serait chose impossible. A moitié folle de douleur, ne sachant plus ce qu'elle faisait ni ce qu'elle disait, elle court la lettre à la main, se jeter au pied du Saint-Sacrement ; et lorsque ses sanglots lui permettent de penser et de parler, elle dit, ou plutôt elle crie à Notre-Seigneur : « Mon DIEU ! est-ce donc ainsi que vous avez eu égard à mes supplications, à mes larmes, à tout ce que je fais depuis vingt ans ? » Et lui énumérant, pour ainsi dire, ses sacrifices de tout genre, elle ajoute, avec un déchirement inexprimable : « Et penser que malgré tout cela, ma mère, ma pauvre mère est damnée ! »
Elle n'avait pas achevé, qu'une voix, sortie du Tabernacle, lui dit avec un accent sévère : « Qu'en sais-tu ? » Epouvantée, la pauvre Soeur reste interdite. « Sache, reprit la voix du Sauveur, sache, pour te confondre et tout à la fois pour te consoler, qu'à cause de toi, j'ai donné à ta mère, au moment suprême, une grâce si puissante de lumière et de repentir, que sa dernière parole a été : « Je me repens et je meurs dans la religion de ma fille ». Ta mère est sauvée. Elle est en Purgatoire. Ne te lasse point de prier pour elle ».
J'ai entendu raconter, plus d'un fait analogue. Quelle que soit l'authenticité de chacun en particulier, ils témoignent tous d'une grande et douce vérité, à savoir qu'en ce monde la miséricorde de DIEU surabonde ; qu'au dernier moment, elle fait un effort suprême pour arracher les pécheurs à l'enfer ; et qu'enfin ceux-là seuls tombent entre les mains de l'éternelle justice, qui refusent jusqu'à la fin les avances de la miséricorde.

CONCLUSIONS PRATIQUES

Sortir immédiatement et à tout prix de l'état de péché mortel
Quelles conclusions pratiques allons-nous tirer de tout ceci, bon et cher lecteur ? Ces grandes vérités ne nous sont révélées de DIEU que pour nous inspirer fortement la crainte qui est, avec la foi, la base du salut ; crainte de la justice et des jugements de DIEU ; crainte du péché qui conduit à l'enfer ; crainte de cette damnation et malédiction épouvantables, de ce désespoir sans, fin, de ce feu surnaturel qui pénètre à la fois et les âmes et les corps, de ces sombres ténèbres, de cette horrible société de Satan et des démons, enfin, de l'éternité immuable de toutes ces peines, très juste châtiment du réprouvé.
Certes, il est bon et très bon d'avoir en la miséricorde une confiance sans mesure ; mais, à la lumière de la vraie foi, l'espérance ne doit pas être séparée de la crainte ; et si l'espérance doit toujours dominer la crainte, c'est à la condition que la crainte subsiste comme les fondements d'une maison, qui donnent à tout l'édifice sa force et sa solidité. Ainsi, la crainte de la justice de DIEU, la crainte du péché et de l'enfer doit écarter de l'édifice spirituel de notre salut toute vaine présomption. Le même DIEU qui a dit : « Jamais je ne rejetterai celui qui vient à moi » a dit également : « Opérez votre salut avec crainte et tremblement ». Il faut saintement craindre pour avoir le droit d'espérer saintement.
En présence des abîmes brûlants et éternels de l'enfer, rentrez en vous même, mon cher lecteur ; mais rentrez-y tout de bon et sérieusement.
Où en êtes-vous ? Etes-vous en état de grâce ? N'auriez-vous pas sur la conscience quelque péché grave, qui, si vous veniez à mourir à l'improviste, pourrait compromettre votre éternité ? Dans ce cas, croyez-moi, n'hésitez pas d'abord à vous repentir de tout votre coeur, puis à aller vous confesser aujourd'hui même ou du moins à votre premier moment de liberté. Est-il nécessaire de vous dire, en face de l'enfer, que tout intérêt doit passer après celui là, et qu'il faut avant tout, entendez bien ceci, avant tout, assurer votre salut ? « A quoi sert à l'homme de gagner le monde entier, s'il vient à perdre son âme ? nous dit à tous le souverain Juge ; et que pourra-t-il donner en échange de son âme ? ».
Ne remettez pas au lendemain ce que vous pouvez faire aujourd'hui. Etes-vous sûr qu'il y aura pour vous un lendemain ?
(…)
Eviter avec un grand soin les occasions dangereuses et les illusions
Mais il ne s'agit pas seulement de ne pas demeurer dans l'état de péché mortel quand on a eu le malheur d'y tomber ; il faut porter plus loin le zèle de notre salut éternel, et prendre des précautions plus sérieuses. Il ne faut pas se contenter de sortir au plus vite de la voie de l'enfer ; il faut en outre éviter de s'y engager. Il faut à tout prix éviter les occasions de chute, surtout celles dont une triste expérience nous a démontré le danger. Un chrétien, un homme qui a le sens commun sacrifie tout, affronte tout, supporte tout pour échapper au feu de l'enfer. DIEU lui-même n'a-t-il pas dit: « Si votre main droite, si votre pied, si votre oeil, si ce que vous avez de plus cher au monde est pour vous une occasion de péché, arrachez-le, retranchez-le sans hésiter ; il vaut mieux entrer, n'importe à quelles conditions dans le royaume de DIEU et dans la vie éternelle plutôt que d'être jeté dans l'abîme de feu, dans le feu éternel, où le remords ne meurt point et où le feu ne s'éteint jamais ».
Pas d'illusions à cet égard ! Les illusions sont le mouvement tournant par lequel l'ennemi de notre pauvre âme cherche à la surprendre, lorsqu'une attaque de front n'offre point de garanties suffisantes. Et que ces illusions sont perfides, subtiles, multiples, fréquentes ! Elles portent sur tout, mais plus particulièrement sur l'égoïsme avec ses froids calculs et ses raffinements ; sur toutes les nuances des insurrections de l'esprit contre la foi, contre l'entière soumission due à l'autorité du Saint-Siège et de l'Eglise ; sur les prétendues nécessités de santé ou d'habitude, qui font glisser insensiblement dans la boue de l'impureté ; sur les usages et convenances du monde au milieu duquel on vit, et qui vous entraînent si facilement dans le tourbillon du plaisir, de la vanité, de l'oubli de DIEU, et de la négligence de la vie chrétienne : enfin, sur l'aveuglement de la cupidité, qui pousse tant de gens à voler, sous prétexte de nécessités de commerce, de coutume générale dans les affaires, de sage prévoyance pour l'avenir des siens, etc. Je le répète, gare les illusions ! Combien de réprouvés sont aujourd'hui en enfer, qui n'y sont entrés que par cette porte de derrière ! On peut se séduire soi-même, du moins dans une certaine mesure ; mais on ne saurait tromper le regard de DIEU.
La vie religieuse elle-même ne suffit pas toujours pour en préserver. Sachons-le bien, il y a des Religieux en enfer ; il y en a peu, je l'espère, mais enfin il y en a. Et comment en sont-ils arrivés là ? Par le chemin fatal des illusions. Illusions touchant l'obéissance, illusions touchant la piété, illusions touchant la pauvreté, la chasteté, la mortification, illusions touchant l'usage de la science ; que sais-je ? Il est si large, ce chemin des illusions !
(…)
Assurer son salut éternel par une vie sérieusement chrétienne
Voulez-vous être plus sûr encore d'éviter l'enfer, mon très cher lecteur ? Ne vous contentez pas d'éviter le péché mortel, de combattre les vices et les défauts qui y conduisent ; menez une bonne et sainte vie, sérieusement chrétienne, et pleine de JESUS-CHRIST.
Faites comme les personnes prudentes qui ont à passer par des chemins difficiles et à côtoyer des précipices : de peur d'y tomber, elles se gardent bien de marcher sur le bord, où un simple faux pas pourrait devenir fatal ; elles prennent sagement l'autre côté de la route, et s'éloignent tant qu'elles peuvent du précipice. Faites de même Embrassez généreusement cette belle et noble vie qu'on appelle la vie chrétienne, la vie de la piété.
Guidé par les conseils de quelque saint prêtre, imposez-vous à vous même une sorte de règlement de vie, dans lequel vous ferez entrer, en proportion des besoins de votre âme et des circonstances extérieures où vous vous trouverez, quelques bons et solides exercices de piété, parmi lesquels je vous recommande les suivants, qui sont à la portée de tout le monde :
Commencez et terminez toujours vos journées par une prière bien soignée, bien cordiale. Joignez-y, le matin et le soir, la lecture attentive d'une ou deux petites pages de l'Evangile, ou de l'Imitation, ou de quelque autre bon livre qui vous ira le mieux ; et après cette petite lecture quelques minutes de recueillement et de bonnes résolutions, le matin pour la journée, le soir pour la nuit, avec la pensée de la mort et de l'éternité.
Prenez l'excellente habitude de faire le signe de la croix toutes les fois que vous sortez de votre chambre et que vous y entrez. Cette pratique, très simple en elle-même, est très sanctifiante. Mais ayez bien soin de ne jamais faire ce signe sacré à la légère, sans y penser, par routine, comme font tant de gens. Il faut le faire religieusement et gravement.
Tâchez, si les devoirs de votre état vous en laissent la liberté, d'aller à la messe tous les matins, de bonne heure, afin de recevoir chaque jour la bénédiction par excellence, et de rendre à Notre-Seigneur les hommages que chacun de nous lui doit dans son grand sacrement. Si vous ne le pouvez pas, efforcez-vous du moins de faire tous les jours une adoration du Saint-Sacrement ; soit en entrant dans l'église, soit de loin et du fond de vôtre coeur.
Rendez également tous les jours, avec un coeur vraiment filial, à la Bienheureuse Vierge MARIE, Mère de DIEU et Mère des chrétiens, quelque hommage de piété, d'amour, de vénération. L'amour de la Sainte-Vierge, joint à l'amour du Saint-Sacrement, est un gage quasi-infaillible de salut ; et l'expérience a démontré dans tous les siècles que Notre-Seigneur JESUS-CHRIST accorde des grâces extraordinaires, et pendant leur vie et au moment de leur mort, à tous ceux qui invoquent et qui aiment sa Mère. Portez toujours sur vous ou un scapulaire, ou une médaille, ou un chapelet.
Prenez et ne quittez jamais l'excellente habitude de vous confesser et de communier souvent. La confession et la communion sont les deux grands moyens offerts par la miséricorde de JESUS-CHRIST, à tous ceux qui veulent sauver et sanctifier leurs âmes, éviter les fautes graves, croître dans l'amour du bien et dans la pratique des vertus chrétiennes. On ne peut, à cet égard, donner de règle générale ; mais ce que l'on peut affirmer, c'est que les hommes de bonne volonté, c'est-à-dire ceux qui veulent sincèrement éviter le mal, servir le bon DIEU, et l'aimer de tout leur coeur, ceux-là sont d'autant meilleurs qu'ils communient plus fréquemment. Quand on est ainsi disposé, le plus, c'est le mieux ; et serait-ce plusieurs fois par semaine, voire même chaque jour, ce ne serait pas trop souvent. Presque tous les bons chrétiens feraient très bien, s'ils en avaient la faculté, de sanctifier par une bonne communion tous les dimanches et fêtes, sans y manquer jamais par leur faute. Le célèbre Catéchisme du Concile de Trente semble dire que le moins que doive faire un chrétien quelque peu soucieux de son âme, c'est d'aller aux sacrements tous les mois.
Enfin, proposez-vous, dans votre petit règlement de vie, de combattre incessamment les deux ou trois défauts que vous remarquez ou que l'on vous a fait remarquer en vous ; c'est-le côté faible de la place, et c'est évidemment par là que, dans un moment ou dans un autre, l'ennemi tentera des surprises et des coups de main. Evitez comme le feu les mauvaises fréquentations et les mauvaises lectures.
Vous le comprenez, cher lecteur, ce que je vous recommande ici n'est pas d'obligation. Bien loin de là. Mais, je vous le répète, si vous entrez dans cette voie de générosité et de ferveur, et si vous y marchez résolument, vous assurerez d'une manière surabondante la grande et très grande affaire de votre éternité ; et vous serez certain d'éviter les peines éternelles de l'enfer, comme on est certain d'éviter les privations de la pauvreté lorsque, par une sage et intelligente administration, on augmente puissamment sa fortune.
Dans tous les cas, ne manquez pas de prendre de ces directions ce que vous pourrez en porter ; faites pour le mieux ; mais, pour l'amour de votre âme, pour l'amour du Sauveur qui a versé tout son sang pour elle, ne reculez pas devant l'Evangile, et soyez chrétien tout de bon.

Pensez souvent, pensez sérieusement à l'enfer, à ses peines éternelles, à ses feux dévorants, et je vous promets que vous irez au ciel. Le grand missionnaire du ciel, c'est l'enfer. (…)