jeudi 4 mars 2010

L'Eglise et le scoutisme.

(…)
L’Église catholique se dressa sans tarder contre le scoutisme. Elle eût tôt fait de flairer en lui l’hérésie, une nouvelle incarnation de Satan, l’adversaire. Elle fut la première à apercevoir et à proclamer la parenté du scoutisme et de la Franc-Maçonnerie. C’est la papauté elle-même qui, dès 1911, prit l’initiative de contrarier l’essor du scoutisme. J’ai eu sous les yeux l’article publié ce jour-là par la Correspondance de Rome. Branle-bas de combat, auquel de nombreux évêques, en France, répondirent.

« Il y a entre les scouts, disait Mgr Delassus, des grades, des insignes, des cris d’animaux, tout un code de signes secrets pour se distinguer et se reconnaître : toutes choses qui portent bien avec elles un relent qui vient des Loges. » (Semaine Religieuse du diocèse de Cambrai, 21 octobre 1911). Le 23 décembre de la même année, il revenait à la charge : « L’origine du scoutisme est très suspecte et l’on peut constater sa très visible parenté avec la Franc-Maçonnerie, l’étoile à cinq rais. En stipulant l’obéissance aveugle à des chefs inconnus, en usant de cris, de signes, de gestes secrets, en permettant aux enfants de se cacher des grandes personnes et d’agir en dehors de leurs supérieurs naturels, il habitue ses adeptes à l’organisation occulte, à la hiérarchie mystérieuse de la secte. C’est bien la Franc-Maçonnerie pour enfants, comme on l’a dit. »
De son côté, l’évêque d’Angoulême disait : « Le scoutisme imite trop la Franc-Maçonnerie pour ne pas poursuivre le même but ; il a l’initiation, le serment, les grades, les épreuves, les mots et signes de reconnaissance, les saluts et insignes particuliers, les rites grotesques, tout un système de pratiques destinées à briser le ressort moral de la jeunesse pour en faire le jouet de la Franc-Maçonnerie. »
En 1912, les évêques reçurent le concours de Bidegain, ancien chef adjoint du Secrétariat du G.O; enfin, défense fut faite et répétée aux parents catholiques d’envoyer leurs enfants aux Éclaireurs de France. La même année Marc Sangnier avait envisagé la fondation d’un « Scoutisme Catholique ». Puis, vint la guerre. Et en 1920, l’attitude de l’Église changea : elle adora ce qu’elle avait brûlé, elle eut ses scouts ; même , il se fonda un Office International de scouts catholiques. Le Père Sevin s.j. s’appliqua à démontrer que, en dépit de sa filiation maçonnique qui lui paraissait d’ailleurs un peu douteuse, en dépit de l’aide que lui donnait partout, assurait-il, la F.M, le scoutisme était parfaitement utilisable à des fins éducatives et religieuses. Et c’est ainsi que l’Église catholique est devenue la principale puissance du monde. (…)

3. La méthode du scoutisme et la méthode des sociétés initiatiques

(…) Comme la F.M, le Scoutisme a été, il est, ce que l’on fait ses adeptes. Et, si parmi eux, il en est qui le pratiquent sans en comprendre la portée réelle, il n’en garde pas moins dans la mesure où il reste fidèle à la pensée de son fondateur et à l’orientation qu’il lui a donnée, sa signification profonde et son caractère originel de Société Initiatique.
Mais, me direz-vous, le mot initiation désigne un état spirituel auquel s’efforce de parvenir, par un persévérant travail sur lui-même, le Maçon en quête de la Lumière. Pour certains même, l’initiation serait une Communion transcendantale avec la Nature, avec l’Être ! Entre le moment où elle lui a été symboliquement donnée et celui où il parvient à l’initiation véritable, la route est si longue et si ardue que l’on se demande, à bon droit, s’il en est qui réussissent jamais à toucher le but.
(…) J’accorde qu’il y a quelques exagération à dire que le Scoutisme est une société initiatique et je reconnais que c’est une sorte de blasphème que d’insinuer qu’il puisse y avoir une analogie même lointaine entre l’initié et le boy-scout, fût-il le boy-scout idéal. Mais permettez-moi de remplacer le mot initiatique par celui de pré-initiatique ou encore de dire du scoutisme qu’il est une société de forme pré-initiatique, ou bien qu’il a une valeur initiatique. Il y a des degrés dans l’initiation.

Admission d’un garçon dans une troupe de boy-scouts.

Remarquons, d’abord, que l’enfant n’est pas admis dans une troupe de boy-scouts, sur simple payement de sa cotisation, comme dans une quelconque société sportive. Si, la partie finie, rentré chez lui, le joueur de football retrouve son existence au point où il l’avait laissée avant le match, il n’en est pas de même du scout qui, théoriquement, a rompu avec la vie commune : il a cessé d’être un « Visage Pâle », comme on dénommait ceux qui n’en faisaient pas partie. Il est né à une vie nouvelle et sa seconde naissance doit se manifester dans sa vie de tous les jours. Le devoir du scout commence à la maison, dit-on ! il se continue à l’école, à l’atelier, au bureau, au champ, car quand on est scout un jour, on l’est pour toujours.
Resté en marge, en qualité de « Pied-Tendre », quelques semaines après sa demande d’admission, l’enfant entre enfin dans la troupe, selon les rites d’une cérémonie que Baden-Powell lui-même appelle initiation. « C’est à dessein, dit-il, qu’on a fait donner à l’investiture de l’Éclaireur le caractère d’une cérémonie : un petit rituel de ce genre exécuté strictement et avec solennité fait impression sur le garçon et si l’on considère la gravité de cette circonstance, il n’est que juste qu’on la rende aussi impressionnante que possible. »Ce texte de BP n’en donne-t-il pas déjà long à penser ?

Nous savons que les cérémonies d’initiation sont vieilles comme l’Humanité et que, même de nos jours, la Franc-Maçonnerie n’est pas la seule association où l’on ne soit admis qu’après y avoir pris part. Nous savons aussi qu’elles sont encore en usage dans nombre de peuplades primitives où BP a pu les observer. Dans ses livres, il a fait le récit de certaines d’entre elles. Ce sont généralement des rites de passage, de sortie d’un groupe et d’agrégation à un autre, qui marquent les différentes étapes de l’existence, l’entrée dans une nouvelle vie ; par exemple, le passage de l’enfance à la jeunesse.

Je ne vous décrirai pas par le menu le cérémonial d’une initiation scoute. Il est d’une grande richesse symbolique. Nos esprits d’adultes, qui ont quelque difficulté à opérer le retour à l’enfance, c’est-à-dire à se mettre à la place des enfants, en trouvent puérils bien des détails. « Notre rituel romanesque, dit à ce propos BP dans une page où il condense sa théorie, les emblèmes de patrouilles, les cris d’animaux, cela peut paraître de la ferblanterie aux gens rassis et ultra civilisés que nous sommes. mais aux garçons cela dit quelque chose, et qui plus est, cela a une valeur éducative entre les mains de ceux qui savent s’en servir (nous dirions, nous autres , entre les mains de ceux « qui connaissent bien l’Art »). Ce sont des concepts primitifs, sans doute, mais naturels et qui ne valent pas seulement pour de petits anglais, mais qui, sous une forme ou sous une autre, ont parmi les garçons de toute race et de toute tribu, une circulation universelle. » (Comme les symboles maçonniques). Ainsi que vous le voyez, de l’aveu de son fondateur, le scoutisme, ses rites du moins, vient de loin ! En puisant, comme l’ont fait nos propres fondateurs, dans le symbolisme universel, en l’imitant, en l’adaptant, Baden-Powell donne au Scoutisme une certaine allure ésotérique, ce qui plaît aux enfants et excite leur esprit.

Entre autres détails du cérémonial d’initiation, je citerai celui-ci :
Quand le scout est appelé à faire sa promesse, il se présente devant la troupe, nu-tête, sans foulard, soit, un peu comme dit notre rituel : dépouillé d’une partie de ses vêtements, ni nu, ni vêtu. En tendant la main droite, il promet d’être loyal, d’aider autrui, d’obéir à la loi de l’Éclaireur. Comme l’initié FM promet d’observer la discipline du silence, d’aider ses frères, de se soumettre à la loi. Alors le Chef lui donne l’accolade, lui remet son chapeau auquel il a épinglé l’insigne, son bâton, le foulard aux couleurs de la troupe ; il lui serre la main gauche. Symboliquement, notre gosse a cessé d’être un « visage pâle ».
On lui apprend ensuite le salut scout : l’avant-bras droit levé, la main à hauteur de l’épaule, la paume en avant, le pouce appuyé sur l’ongle du petit doigt, les trois autres doigt levés. « C’est, dit BP, la façon de saluer des Éclaireurs et leur signe secret. » « Si un étranger vous fait le signe de l’Éclaireur, rendez-lui tout de suite son salut et tendez-lui la main gauche. S’il vous montre alors son insigne ou vous donne une autre preuve qu’il est Éclaireur, traitez-le comme un frère et aidez-le de toute manière. » Revoyez ce que disent les Constitutions d’Anderson au paragraphe : conduite avec un Frère étranger, vous serez surpris de l’analogie entre les idées et les textes. Ainsi, comme les Francs-Maçons, les Scouts se reconnaissent entre eux par des mots, signes et attouchements.