mardi 2 mars 2010

La situation de l'Eglise.

Sermon de la grand-messe de 10H30

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Mes biens chers frères, l’Évangile d’aujourd’hui et celui de dimanche prochain, nous invite à voir avec un grand réalisme la situation du monde et de l’Église.
« Admettez avec moi – disait Mgr LEFEBVRE – les faits sous les yeux que le libéralisme conciliaire mène maintenant l’Église au tombeau. »

Je voudrais simplement aujourd’hui prier Dieu. Qu’Il fasse de nous tous des esprits loyaux et tant soit peu clairvoyants, prêts aussi à réagir sainement dans une fidélité sans faille à la vérité et à l’Église catholique, apostolique et romaine.
« Tu ne trahis jamais l’autorité – disait le Père de Chivré – quand les faits prouvent qu’elle trahit, elle, sa fonction vis-à-vis de Dieu, vis-à-vis des âmes, vis-à-vis de la vérité. Reste donc rebelle contre tout ce qui est tordu. Dieu bénit ceux qui ont des voies droites. »
Dans un autre texte, tout en respectant ceux qui ont mérité dans l’histoire la légion d’honneur, il disait avec force :
« Le peuple qui chante vive la liberté depuis presque deux siècles sur le tombeau d’un roi très chrétien et au profit d’une laïcisation consentie et développée, ne peut que connaître le plus grave des châtiments, celui de l’aveuglement général dont parle la Sainte Écriture au sujet des juifs punis par Dieu. La mission de quelques rares fidèles, est de lutter quand même pour compenser l’apathie des biens pensants, cette race des impuissants mouillés d’eau bénite et cousus de légion d’honneur. »
Monseigneur LEFEBVRE dans son livre « Ils l’ont découronné » a bien mis le doigt sur cet aveuglement des catholiques dans l’histoire.
Nous avons appris stupéfaits, le complot de pénétration de la hiérarchie catholique – disait-il – par la secte libérale. Nous avons vu ses progrès jusqu’au plus haut poste et son triomphe au concile Vatican II. Nous avons eu des papes libéraux [NDLR: Etaient-ils vraiment "papes"?].
Le premier pape libéral, celui qui se riait des prophètes de malheur a ouvert les portes du bercail et les loups ont pénétré dans la bergerie et ont massacré les brebis.
Vint le second pape libéral, le pape au visage double, le pape humaniste ; il renversa l’autel, abolit le sacrifice, profana le sanctuaire.
Le troisième pape libéral est survenu, le pape des droits de l’homme, le pape œcuméniste, le pape des religions unies ; il s’est lavé les mains et s’est voilé la face devant tant de ruines amoncelées pour ne pas voir les plaies sanglantes de la fille de Sion, les blessures mortelles de l’Épouse immaculée de Jésus-Christ.
Quant à moi, je ne me résignerai pas, je ne me contente pas d’assister les bras ballants à l’agonie de ma mère, la Sainte Eglise.
Certes, je ne partage pas l’optimisme béat des sermons lénifiants du genre : nous vivons une époque exaltante – le concile est un renouveau extraordinaire – vive cette époque de bouleversements culturels – le monde qui se construit devient plus fraternel, plus pacifique, plus libre.
Je ne m’explique pas un tel aveuglement autrement que comme l’accomplissement de la prophétie de saint Paul concernant les apostats des derniers temps. Dieu lui-même – dit-il – leur enverra une puissance de divagation afin qu’ils croient au mensonge ; quel plus terrible châtiment qu’une hiérarchie déboussolée.
Si l’on en croit sœur Lucie, c’est cela que Notre Dame a prédit dans la troisième partie du secret de Fatima. L’Église et sa hiérarchie subiront une désorientation diabolique.
Et toujours selon sœur Lucie, cette crise correspond à ce que l’apocalypse nous dit du combat de la femme contre le dragon.
Et puis nous avons eu Léon XIII dans son petit exorcisme qui parle de ces ennemis très rusés qui remplissent d’amertume l’Église du Christ, qui l’abreuvent d’absinthe.
« Ils ont jeté des mains impies sur tout ce qui est désirable en elle. Là – dit cet exorcisme – où le siège du bienheureux Pierre et la chaire de la vérité furent établis comme une lumière pour les nations ; là, ils ont posé le trône de l’abomination de leur impiété afin que le pasteur un fois frappé, ils puissent disperser le troupeau. »
Si saint Paul disait pour son temps que le mystère d’iniquité est déjà à l’œuvre. Que dirait-il maintenant ?
Saint Pie X, en 1903, exprime lui aussi sa crainte dans son encyclique inaugurale « E supremi apostolatus ». Il exprime sa crainte que le temps d’apostasie où l’Église entrait ne fût le temps de l’Antéchrist.
« Nous éprouvions une sorte de terreur à considérer les conditions funestes de l’humanité à l’heure présente. »
C’était il y a 100 ans.
« Peut-on ignorer la maladie si profonde et si grave qui travaille en ce moment – bien plus que par le passé – la société humaine et qui s’aggravant de jours en jours et la rongeant jusqu’à la moelle, l’entraîne à la ruine. Cette maladie vénérable frères, vous la connaissez. C’est à l’égard de Dieu, l’abandon et l’apostasie et rien sans nul doute qui ne mène plus sûrement à la ruine.
Selon cette parole du prophète : Voici que ceux qui s’éloignent de vous périront. De nos jours, il n’est que trop vrai que les nations ont frémi et que les peuples ont médité des projets insensés contre leur créateur. Et presque commun est devenu ce cri de ces ennemis : Retirez vous de nous. De là les habitudes de vie tant privée que publique, où nul compte n’est tenu de sa souveraineté. Bien plus, il n’est effort ni artifice que l’on ne mette en œuvre pour abolir entièrement son souvenir et jusqu’à sa notion.
Qui pèse ces choses, a droit de craindre qu’une telle perversion des esprits ne soit le commencement de maux annoncés pour la fin des temps, et comme leur prise de contact avec la terre, que véritablement le fils de perdition dont parle l’Apôtre n’ait déjà fait son avènement parmi nous.
Si grande est l’audace et si grande la rage avec lesquelles on se rue partout à l’attaque de la religion, on bat en brèche les dogmes de foi, on tend d’un effort obstiné à anéantir tout rapport de l’homme avec la Divinité !
En revanche et c’est là au dire du même Apôtre, le caractère propre de l’Antéchrist, l’homme avec une témérité sans nom, a usurpé la place du Créateur en s’élevant au dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu. C’est à tel point qu’impuissant à éteindre complètement en soi la notion de Dieu, il secoue cependant le joug de sa majesté, et se dédie à lui-même le monde visible en guise de temple, où il prétend recevoir les adorations de ses semblables. Il siège dans le temple de Dieu, où il se montre comme s’il était Dieu lui-même. »
Cette longue citation de saint Pie X s’adapte parfaitement à l’Évangile d’aujourd’hui.
Alors silence, conspiration, ne soyons pas complices.
Face à une dénonciation inlassable des crimes contre la foi, face aux avertissements des dangers contre la foi, ne préfère-t-on pas s’étourdir. Les prophètes de malheur ne sont guère prisés en général. C’est le « panem et circenses », du pain et des jeux que réclamait le peuple alors que les barbares étaient aux portes.
Sous prétextes de découragement que produirait dans les âmes le constat seulement réaliste de la situation actuelle de l’Église, certains préfèrent les bercer l’illusion et leur laisser miroiter des solutions faciles. Ne cédons pas à l’exploitation démagogique et dangereuse de la lassitude que provoque cette crise longue.
Les âmes engagées dans ce processus de tromperie sombreront dans le désespoir lorsqu’elles perdront toutes leurs illusions. Elles se laisseront porter par une nouvelle vague de ralliement que l’on voit déjà poindre très nettement, politique à courte vue.
Une vue mue bien souvent par l’intérêt bien orgueilleux et égoïste à la petite semaine et tout simplement peut-être la peur.
Car il faut du courage pour supporter et attaquer si longtemps. Alors tout est-il terminé ? Quelle espérance nous reste t-il ?
« La Très Sainte Vierge Marie, nous assure – dit encore Monseigneur LEFEBVRE – qu’à la fin de cette lutte, son cœur immaculé triomphera. »
S’il en est ainsi, vous comprendrez que malgré tout, je ne sois pas pessimiste. La Sainte Vierge aura la victoire. Elle triomphera de la grande apostasie fruit du libéralisme. Raison de plus pour ne pas se tourner les pouces. Nous devons lutter plus que jamais pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ. Dans ce combat nous ne sommes pas seuls. Nous avons avec nous tous les papes jusqu’à Pie XII inclusivement.
Ils ont tous combattu le libéralisme pour en délivrer l’Eglise. Dieu n’a pas permis qu’ils réussissent mais ce n’est pas une raison pour déposer les armes. Il faut tenir. Tout ce que je sais, la foi nous l’enseigne. C’est que Notre Seigneur Jésus-Christ doit régner ici bas maintenant.
Faudrait-il face à la Révolution, taire nos principes pour ratisser large ? Non, il faut comprendre que toute guerre révolutionnaire est une guerre de religion. Il faudra arborer le drapeau de notre foi, arborer la messe, arborer la doctrine catholique, arborer le Rosaire et si nous ne gagnons pas tout, nous aurons sauvé l’essentiel, la foi.
Notre résistance aujourd’hui religieuse, politique, notre fidélité à la sainte Église romaine, nous les devons aux sacrifices de ces martyres, de ces docteurs de la vérité, de quelques courageux évêques, leurs armes n’ont pas vieilli.
Entre se taire et adopter les principes de l’efficacité mondaine, il y a un milieu ou mieux un sommet, celui de l’affirmation publique du nom de Jésus. Voilà la prudence surnaturelle de l’Église qui elle seule a reçu les promesses de la vie éternelle. Depuis deux mille ans, elle dit au monde au nom de Jésus je vous arrête. Les derniers jours se caractérisent par l’intensité du mal, par l’extension du mal.
Mais sans aucun doute Dieu entourera ses élus avec une sollicitude beaucoup plus grande, c’est dans l’Évangile d’aujourd’hui. On ne peut pas douter non plus que la Très Sainte Vierge Marie prendra alors les chrétiens en charge avec un soin encore plus maternel et encore plus jaloux. Nous sommes certains que Dieu proportionne de plus grandes grâces à des épreuves et des tentations plus grandes.
Nous sommes certains aussi que les chrétiens qui vivront ces heures pourront dire comme leurs frères des siècles antérieurs et même avec encore plus d’assurance ce qu’exprime saint Paul aux romains :
« Qui donc nous séparera de la charité du Christ ? Tribulations, angoisses, dans tous ces maux, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimé. Rien ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ Notre Seigneur. »
Les apparitions de la Sainte Vierge, celles reconnues par l’Église, nous montrent très bien que plus la grande apostasie se prépare, plus elle intervient pour le salut des hommes. Nul doute que lorsque la défection sera presque générale, et la consommation toute proche, elle se montrera d’autant plus notre mère et notre reine.
Les jours derniers peuvent être effroyables. Il n’empêche qu’ils seront abrégés à cause des élus et que les cœurs de Jésus et de Marie nous sauvegarderons. Une question finalement se pose. Dieu maître des hommes et des temps qui a fixé les étapes de l’histoire, nous croyons en son amour, il est en effet intervenu dans le monde avec une miséricorde incompréhensible aux pauvres humains que nous sommes. Cela nous le croyons, nous le constatons.
Dieu nous avait créé dans la justice originelle. L’homme ayant péché, il lui a même promis un Messie rédempteur et le Verbe s’est incarné dans le sein de la Très Sainte Vierge Marie. Notre Seigneur est ressuscité. L’Esprit-Saint nous a été envoyé. Tout cela constitue une preuve d’amour incontestable.
Cet amour infini de Dieu explique toute cette miséricorde à notre égard. Mais qu’est-ce qui explique toutes ces étapes de l’infidélité et du péché ? Même si nous savons que le péché avec ses efforts avec ses tentatives ne pourra pas abolir les effets de la rédemption, ni la sainte Église, pourquoi Dieu permet-il que ce péché se développe en des réalisations chaque fois plus monstrueuses jusqu’à la venue de l’Antéchrist, jusqu’à l’avènement de l’homme de péché ? Qui oserait nier aujourd’hui l’approfondissement de cette perversité ? Déjà dans les premiers temps de notre espèce, la multitude des nations se détournait de Dieu et se perdait peu à peu dans une idolâtrie aux rites abominables.
Ensuite lorsque Dieu pour empêcher que l’aveuglement ne devienne total et pour préparer le monde à la venue de son Fils, il se réserva un petit peuple. Ce peuple bénit, au moment où le fils de Dieu en personne lui était donné, ce peuple refusa de le recevoir à l’exception d’un petit reste. Alors Dieu rejette Israël pour un temps. Il appelle les nations idolâtres et les fait entrer dans l’Église.
Mais tout aussitôt le mystère d’iniquité s’insinue dans les communautés des convertis. Ils ne retournent sans doute pas dans les idoles du paganisme mais ils tombent dans l’hérésie et déjà peut-être se préparent à l’apostasie.
Longtemps contenue, fortement muselée par les grands saints qui fleurirent dans l’Église, par les structures honnêtes d’une civilisation et d’une politique chrétienne, l’apostasie est parvenue finalement depuis quatre siècles mais surtout depuis la Révolution à faire sortir partout sa virulence. Ce n’est pas à nous d’en fixer le terme.
Il y en a qui veulent bien croire que tout est fini, que la crise a cessé, que l’état de nécessité n’existe plus, que la tradition est de retour.
Ne nous aveuglons pas, ne nous illusionnons pas mais gardons au cœur une grande espérance car illusion n’est pas la même chose qu’espérance. Nous ne sommes pas au terme.
Le mal doit empirer encore à tel point que, malgré la conversion d’Israël qui se produira certainement, la grande apostasie gagnera les hommes et l’Antéchrist paraîtra.
Pourquoi cette permission divine du péché des hommes ? La réponse est à chercher du côté de l’amour. En vérité Dieu nous gouverne. En ayant choisi une économie qui honore davantage notre liberté et qui convient mieux à notre foi et c’est là une grande preuve d’amour.
Dieu nous appelle à marcher vers lui tel que nous sommes. Notre foi est ainsi obligée de devenir plus forte lorsqu’elle doit s’exercer dans la nuit. De même notre attachement à Jésus-Christ est obligé de devenir plus aimant, plus vigoureux lorsque sa puissance divine n’est plus éclatante.
Ainsi donc il convient mieux pour la pureté de notre foi, de notre espérance, de notre charité que les éléments négatifs ne soient pas éliminés de notre longue histoire de sorte que dans la conduite de l’humanité comme dans la sanctification de chacun de nous, notre Dieu mérité vraiment le nom de Dieu caché. Et le fait qu’il se cache est le signe d’un plus grand amour puisqu’il nous invite par là à le chercher avec plus d’empressement, avec plus d’humilité, avec plus de confiance.
L’Église peut après vingt siècles remercier Dieu de toutes les splendeurs de son passé. Malgré les angoisses du présent, malgré les incertitudes de l’avenir humain, prononçons aujourd’hui un grand acte d’espérance.

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Abbé Xavier Beauvais, à St-Nicolas du Chardonnet, 20/11/2005.