lundi 5 avril 2010

L'orgueil, commencement de tout péché.

Ce texte de l'Écriture signifie d'abord que la première faute commise après la création fut un acte d'orgueil : encore aujourd'hui nous entendons l'écho d'une parole sacrilège, non serviam, « je ne servirai pas », proférée par le plus intelligent des esprits créés, Lucifer.

Ce texte indique ensuite que le premier péché fait sur la terre par le premier homme fut un péché d'orgueil ; Adam voulut connaître le bien et le mal pour pouvoir se conduire seul.

Enfin, ce texte justifie saint Thomas d'affirmer que l'orgueil est non seulement un péché capital, mais la source des péchés capitaux, de la vaine gloire en particulier. Car tout péché renferme une désobéissance et toute désobéissance provient de l'orgueil.


L'Écriture met donc ici en relief l'importance de ce point que la spiritualité regarde comme un formidable obstacle à la perfection. Et cette importance s'accroît de plus du fait qu'en pratique beaucoup se trompent sur la vraie nature de l'orgueil, croyant qu'il n'existe pas quand il se revêt du manteau de la fausse humilité, alors qu'il devient plus dangereux que celui qui s'étale jusqu'au ridicule ; ou jugeant qu'il domine dans telle âme qui s'exerce plutôt à la magnanimité et au courage nécessaires en toute grande entreprise qu'à la pusillanimité qui écarte les tâches d'envergure.

Être timide et humble, orgueilleux et grand, c'est tout à fait différent.


Nous allons étudier ce gros sujet en répondant à trois intéressantes questions : Quelles sont les formes, les effets et les remèdes de l'orgueil ? Procédons sous le regard de la très humble Sainte Vierge.

Puisque l'orgueil est un désordre dans l'amour de soi, ses formes se réduisent aux multiples dérèglements qu'il engendre.

Nous n'ignorons pas ce que signifie un désordre. C'est quelque chose de contraire à la raison et à Dieu. Pour cette cause, et de bien des manières, l'orgueil en est un.

Mais comment cela ?
Estimer ce qu'il y a de bon en nous, n'est-ce pas un moyen d'honorer Dieu et de nous respecter nous-mêmes ? Rechercher l'estime d'autrui en; faisant connaître nos qualités tout comme nous devons reconnaître et apprécier les qualités du prochain, n'est-ce pas nécessaire à la gloire de Dieu et aux bonnes relations ?
Oui, pourvu que nous évitions toute déviation et tout excès.

Nous oublions parfois que Dieu est l'auteur de ces dons, nous nous les attribuons à nous-mêmes ; nous agissons pour nous, nous nous en rapportons l'honneur, nous acceptons pour nous ou convoitons pour nous l'estime des autres.

Il y a déviation, puisqu'en définitive nous nions que Dieu soit, d'une part, notre premier principe et, d'autre part, notre dernière fin. Puis, il y a excès quand nous voulons paraître supérieurs à ce que nous sommes en réalité, quand nous faisons le bien avec ostentation pour en imposer et nous croire exemptés de la voie commune, quand nous nous préférons injustement aux autres voyant à la loupe la paille dans l'œil du voisin et non la poutre dans le nôtre, quand nous traitons nos supérieurs avec un esprit critique et frondeur qui fait que nous épions leurs moindres gestes ou démarches pour les contrôler, les juger et les blâmer, nous rendant ainsi très difficiles leur autorité et leurs ordres, l'obéissance et les permissions, aspirant à une indépendance néfaste à la vertu.

Rien, en effet, ne nuit davantage à la sanctification que ce désordre. Car il est bel et bien un aveuglement, un voile, un bandeau sur les yeux, une ignorance de Dieu, de notre prochain et de nous-mêmes, comme un refus de la vérité transmise par Celui qui s'est dit la Lumière et par ceux qui le représentent.

Selon Monsieur Tronson, c'est même une maladie qui conduit à la folie, n'y ayant pas de plus grands fous que les orgueilleux qui se repaissent de vent et de fumée, qui perdent une gloire éternelle pour celle d'un moment et qui, pour éviter quelques humiliations passagères, s'en attirent qui ne finiront jamais.

Il s'agit évidemment de la folie de Lucifer qui résiste de front à Dieu ou à ses représentants légitimes en matière grave, qui fait faire ou dire des extravagances contre la justice ou la charité, au sujet de dettes ou de réputation.

Pour caractériser cette forme générale de l'orgueil que nous appelons un désordre, disons que c'est la rupture du ressort qui soulève toute la vie vers Dieu.

Saint Augustin rend cette pensée comme suit : « L'homme, dit-il, en tombant d'en haut et en d’échéant de Dieu, tombe premièrement sur lui-même. » Semblable à une eau qui d'une haute montagne coule jusqu'au plus profond des abîmes, l'âme tombe de Dieu sur elle-même, se précipitant à ce qu'il y a de plus bas.

Quant aux formes particulières de l'orgueil, elles se déterminent par rapport à soi, par rapport aux autres et selon les degrés.

En nous l'orgueil flatte, exalte ou imagine des biens extérieurs ou intérieurs, la naissance et la richesse, la santé et la beauté, la science et le talent, le jugement et la piété.

Nous sommes exposés à nous complaire dans l'honneur et la bonne réputation de notre famille ou à nous attrister excessivement du contraire. Sommes-nous favorisés de quelque fortune, nous nous en glorifions ne croyant la devoir qu'à nous-mêmes.

Si nous jouissons d'une bonne santé, nous tenons à dire que cela dépend sans aucun doute de notre prudence et que partant, les malades, s'ils souffrent, c'est de leur faute.

La beauté, parce que nous l'estimons bien, nous fait croire à tort qu'elle a élu domicile chez nous et elle exige des petits soins qui ne cadrent pas toujours avec le sérieux.

L'intelligence peut s'attribuer une science, une vertu, une finesse de jugement qui lui permettent de ne pas marcher à une autre étoile qu'à la sienne propre, de ne pas examiner longuement une opinion contraire jugée d'avance inacceptable, mal fondée.

La ferveur même, chez quelques-uns, au dire de saint Jean de la Croix, peut nourrir une certaine vanité qui se manifeste en conversation par la tendance à agiter des questions de spiritualité et à y mêler des leçons ou des blâmes « pour ceux qui ne comprennent pas la dévotion à leur manière », puis à y ajouter des démonstrations extérieures et des attitudes étranges.

Selon le même docteur, cette vanité pousse à rechercher les bonnes grâces du confesseur, à le condamner dès qu'il n'approuve pas les agissements et à s'affliger outre mesure des fautes que présomptueusement on croyait impossibles, puis des sécheresses inévitables de la piété.

On appelle tout cela être plein de soi-même. Or c'est porter sur ses yeux un bandeau, c'est ne voir la lumière que péniblement et nuire à son entrée dans l'âme où elle devrait régner pour en assurer le progrès.

A l'égard des autres, l'orgueil nourrit du dédain sinon un peu de mépris. S'il rencontre des obstacles, il éclate en jalousie, en haine, en médisance, en calomnie, en jugement téméraire.

Il lui faut dominer ; lui résiste-t-on, il écrase, il salit, il piétine. Auparavant, il aura tout fait pour capter l'opinion, l'attention, l'estime et la louange, il aura pris tous les moyens pour écarter l'ennui de passer inaperçu et l'horreur d'être méprisé. Le devoir aura parfois été sacrifié au respect humain ou à d'autres bassesses.

Que voulez-vous ? L'orgueilleux se nourrit de compliments qu'il rapporte quelquefois à Dieu du bout des lèvres. Il se soucie bien plus de sa gloire et de ses intérêts que de la gloire et des intérêts de Dieu, encore moins du bien et du bonheur de son prochain.

Bref, il se constitue pratiquement le centre autour duquel tous les autres doivent, dans son imagination, organiser leur vie, ne devant avoir de culte que pour sa propre excellence.

Qui ne reconnaît la profondeur de ce désordre où l'humain veut égaler le divin ?

Saint Thomas, transcrivant avec docilité saint Bernard, en fixe les degrés au nombre de douze. Je les énumère du premier au dernier. A chacun il apparaît que l'orgueil a fait un pas.

L'orgueil commence par la curiosité qui veut voir partout et tout surveiller. Puis c'est la légèreté d'esprit qui se répand en paroles inutiles, inopportunes et audacieuses. Succède la joie sotte et déplacée. Survient la jactance ou la hardiesse à se vanter, à prôner sa manière d'agir comme étant la meilleure.

De là à la singularité il n'y a qu'un pas, c'est le cinquième ; on sait que ce mal manifeste un penchant à agir d'une façon contraire aux habitudes de la vie commune. Cette attitude mène à l'arrogance dans le soutien des points de vue ou idées propres.

On imagine que la présomption qui se croit capable de tout ne manque point. A l'occasion des fautes, l'empressement à s'excuser ne se laisse pas attendre.

Cela mène à la dissimulation de ses chutes en confession, conduit à la révolte, et crée un besoin de liberté effrénée. Alors l'âme aboutit au mépris de Dieu, au péché habituel.

Voilà les multiples formes de ce désordre qu'est l'orgueil, de ce péché de l'esprit, en soi moins honteux, moins avilissant, mais plus grave, écrit saint Thomas, que les péchés de la chair, parce qu'il nous détourne davantage de Dieu et nous fait ressembler au démon.

Bossuet ajoute : « C'est ce vice qui s'est coulé dans le fond de nos entrailles à la parole du serpent qui nous disait en la personne d'Eve : Vous serez comme des dieux. Et nous avons avalé ce poison mortel [...]. Il a pénétré jusqu'à la moelle de nos os, et toute notre âme en a été infectée. »

La profondeur de ce mal paraît encore dans ses effets et dans ses remèdes eux-mêmes qui doivent être d'une force particulière.

Source de tout péché, l'orgueil se cache donc au fond de tous les crimes, de toutes les guerres, de toutes les divisions, de toutes les haines et antipathies, de toutes les fautes.

Hâtons-nous de le redire ici : Il n'y a pas de plus grands obstacle à la perfection. Il n'est pas du tout de mise de se consoler du fait qu'on évite la gravité d'advertance et donc le péché mortel. Car du même coup on se rend coupable dans la cause des conséquences de l'orgueil en toute la vie, à commencer par la plus désolante stérilité. On oublie trop que nos responsabilités s'étendent très loin par delà nos actes présents. On n'est pas excusable.

La perfection chrétienne se compose de beaucoup de grâces dues à la libéralité du bon Dieu. Or l'orgueil résiste à Dieu en lui-même ou en ses représentants, et Dieu résiste à l'orgueil. C'est tout à l'opposé des docilités intimes de la grâce que goûtent seuls les humbles. Donc perfection et orgueil se repoussent. De plus, le progrès spirituel entraîne une accumulation de mérites.

Or tandis que le mérite prend sa source dans la pureté des intentions, l'orgueil, qui en fait davantage parfois, agit avec ostentation à la manière des Pharisiens, pour être vu, pour se plaire à soi-même ou à d'autres.

L'orgueil touche sa récompense sur la terre ; le mérite, récompense céleste, ne lui est pas accordé : il va à l'humilité.

Pour avancer, toute âme doit prier, non superficiellement, mais profondément. Cela veut dire avec humilité, car l'orgueil ne connaît pas de prière sincère et confiante. Aussi, tombant sur lui-même il se décourage plus vite qu'il ne monte à Dieu.

Avec le prochain, vous ne le voyez pas céder en bon prince ; au contraire, il est mordant, il discute avec âpreté et violence, il met dans ses mots de l'amertume, de l'injustice, de la cruauté même, à tout prix il veut abattre sinon mettre sous ses pieds.

En dernier ressort, inquiet, troublé, agité, dévoré par le désir de l'emporter, il se crée de toutes pièces du malheur. Ne sachant s'agenouiller devant personne, à la fin il tombe terrassé et avili.

Sur une longue planche de l'existence, l'orgueil traîne donc une médiocrité stérile : encore une fois, pas de grâces, pas de mérites, pas de paix au dehors ni au dedans. Je devrais ajouter : pas de chasteté non plus, pour me conformer à l'expérience des âmes et à l'autorité de saint Thomas qui affirme que « Dieu laisse tomber dans la luxure l'orgueilleux inconscient de son orgueil, pour qu'il en sorte sous le coup de l'humiliation et de la confusion ».

Voici un exemple de cette stérilité dont nous venons de tirer les traits.

A l'aurore de ce siècle, vers 1909, une visitandine de Paris, de belle réputation aux points de vue piété, verra et dévouement, après avoir été guérie par le Sacré-Cœur d'une maladie incurable, aperçut son divin Époux lui ouvrir devant les yeux le Livre de Vie au chapitre des bonnes œuvres.

Les pages se succédaient toutes blanches. De temps à autre, une mention était soulignée : tel jour, bon acte d'humilité ; tel jour, humiliation bien acceptée ; tel autre jour, excellent mépris de soi. C'était tout. Travail, prières et sacrifices brillaient par leur absence. Ils avaient été mis au compte de l'amour-propre, non de la charité divine. Quelle perte ! Quelle déception !

Pourtant, quoi d'étrange ? Dieu stérilise tout quand tout procède des inclinations de la nature ou de la volonté du moi. Sainte Madeleine de Pazzi va plus loin et justement : « Ce défaut, dit-elle, est à l'âme ce qu'est à une plante le ver qui en ronge les racines : non seulement il la prive de ses fruits, mais encore il la tue. » Et saint Ignace de Loyola fait une sombre constatation. Écoutez ses paroles : « De cent personnes d'oraison, il y en a plus de quatre-vingt-dix qui n'en veulent faire qu'à leur tête » Le même saint appréciait une petite immolation de la volonté propre plus que des heures de prières. En se livrant à celles-ci et en évitant celle-là, on peut « courir bien vite, mais hors de la voie », hors du chemin de la perfection. « Pour arrêter l'essor d'une âme vers Dieu, il suffit d'un fil », selon le mot de saint Jean de la Croix. Le fil casse quand la volonté se brise. Or, « volonté brisée, volonté parfaite ».

Pourquoi la volonté propre fait-elle le vide, sous l'angle divin, même dans la piété ? Parce qu'elle coupe les ponts avec Dieu, elle extermine peu à peu, elle étiole ce qu'il y a d'infus et de surnaturel en nous, la grâce sanctifiante et les vertus qui lui font cortège.

Fille de l'orgueil et sa mandatrice, elle exécute ses ordres en troublant le cerveau comme une boisson qui enivre, et, aveuglant le regard, elle ne lui permet plus d'apercevoir la beauté de la vertu ni la laideur du vice.

Elle joue ainsi le rôle du démon et le démon se fie sur elle dans la lutte et les assauts du mal contre l'âme. Notre vie spirituelle n'a pas de pire ennemi.

Toutes nos peines en découlent. Nous voudrions ceci, nous voudrions cela. C'est l'abattement et le dégoût. Du moins, c'est le trouble.

Le trouble parce que nous ne vivons pas avec tel chef, telle personne, dans tel emploi que l'on désire, ou que l'on demande et qui ne vient pas.

Sainte Madeleine de Pazzi a peint en couleurs saisissantes le portrait des ravages de la volonté propre dans une multitude d'âmes. Elle donnait le fruit d'une extase.

L'une de ces âmes paraissait bien recueillie et tout unie à Jésus plein de mansuétude ; or, à certains jours, il ne se passait pas une heure sans qu'une contrariété survenue ne la jetât en un trouble complet.

Une autre assistait au saint sacrifice comme un brasier d'amour divin ; se hasardait-on ensuite à lui signaler un de ses défauts, elle refusait d'y croire, ou, en y croyant, par orgueil froissé elle faisait pleuvoir ses explications et son amertume.

Une autre s'exerçait à des austérités ; dès que l'obéissance voulait y mettre un frein, elle se butait à un entêtement obstiné.

Une autre qui, au réfectoire, se livrait sérieusement à la mortification et s'y délectait, trouvait excessifs les ménagements proposés et injuste la privation des mets désirés.

Telle autre en conversation s'appliquait à montrer une grande sagesse, pesait chacun de ses mots et les passait de manière à faire voir sa perfection.

Une dernière, enfin, se dépensait dans la pratique de la charité envers le prochain, mais elle exigeait des remerciements, de l'attention en retour, et des louanges.

Eh bien Semblables religieuses recherchant l'esprit de Jésus à la manière qui leur plaisait se rendaient inaptes à le recevoir. Leur volonté propre détrônait Jésus.
Or détrôner Jésus, c'est se passer de lui, l'empêcher d'agir, paralyser le surnaturel même au milieu des plus saintes œuvres.

Véritablement, l'orgueil a d'affreuses conséquences.
Par quels remèdes conjurer cette catastrophe ?

A part la prière qui « est utile à tout » et nécessaire, nommons la conscience de notre néant, le souvenir de nos péchés et le renoncement à notre volonté propre.

Que sommes-nous ? Pas grand'chose. Alors, dignes de l'oubli.

Nous avons été faits de rien et nous retournerions à rien sans le Créateur qui nous garde. De plus, nous représentons quelque chose d'éphémère, d'emprunté et de fragile. Nous portons le trésor du divin, mais c'est un don gratuit à faire fructifier, que nous devrons rendre quand la mort nous frappera pour nous jeter aux pieds de notre Juge.

Par nous-mêmes, sans le concours de Dieu, nous ne pouvons rien, ni connaître, ni penser, ni apprendre, ni vouloir, ni aimer, ni agir, ni vivre. Et donc, que valons-nous ? Ce que nous avons coûté, le sang d'un Dieu, la grâce à laquelle nous faisons librement accueil. Oui, mais tout cela, c'est Dieu qui l'opère et qui le communique. A lui honneur et gloire ! A nous honte et pardon d'en avoir mal usé !

Car, en plus de n'être que peu de chose, nous sommes pécheurs et méritons, comme tels, le mépris. Un péché est si grand dans son audace, son outrage, son ingratitude et sa révolte déicide que nous devons être prêts, pour l'expier, à toutes les humiliations possibles, médisances calomnies, injures et injustices, lesquelles d'ailleurs durent peu. Même les péchés véniels, selon le témoignage des saints, ravissent à Dieu une gloire que les abaissements profonds de toute une vie ne parviennent jamais seul à remettre.

Persuadés de ce que nous sommes, « gardons-nous de suivre notre volonté » ; c'est le conseil de l'Esprit-Saint, parce que c'est l'unique manière d'aimer Dieu. Le démon le comprend bien et il déteste l'obéissance ; il inspire aux âmes de vives répugnances à obéir, à faire la volonté d'autrui. Les saints lui résistent.

Le fondateur de la Visitation méditant sur le cachet distinctif à graver dans l'âme de ses religieuses, quelqu'un lui suggéra de les faire aller nu-pieds ; « Je préfère commencer par la tête », répondit le saint. Il écrivit un jour à sainte Chantal : « Je désire que les filles de votre Congrégation aient les pieds bien chaussés, mais le cœur bien déchaussé et bien nu des affections terrestres ; qu'elles aient la tête bien couverte et l'esprit bien découvert, par une parfaite simplicité et dépouillement de la propre volonté. »

L'illustre père spirituel pensait sans doute avec saint Basile que les âmes attachées à elles-mêmes ressemblent à des lépreux capable d'infecter tout leur entourage par leurs mauvais exemples. Tant il est vrai que renoncer à soi, c'est la base essentielle de la vie intérieure.
Ne désirons rien, ne recherchons rien, ne prêterons rien. Aimons notre très doux Jésus, et simplement comme quelqu'un qui s'ignore et estime les autres meilleurs que lui. En cela ne poursuivons que le bon plaisir du Bien-aimé. Ce qui nous plaît, souvent lui déplaît !


Paul-Henri BARABE, o.m.i.
Directeur des retraites fermées, Maison du Sacré-Cœur, Hull. (1943)