jeudi 4 février 2010

La Royauté Sociale de Notre-Seigneur.

Il l’exerce toujours avec une sagesse très haute qui descend pourtant aux moindres détails, avec une bonté faite de force et de douceur, mais de façon différente dans la société civile, dans le gouvernement de l’Eglise, dans la direction intime des âmes.



Dans la société civile Jésus exerce discrètement sa royauté universelle. Il a droit d’exiger que cette société, loin d’être régie par les principes athées du laïcisme, qui détruisent la famille et la patrie, soit gouvernée selon les principes de la loi chrétienne; que les chefs d’Etat, loin de nier l’autorité divine, fondement de la leur, la reconnaissent publiquement, en se soumettant à elle. Le Christ Jésus, incarnation de la Vérité, de la Bonté, de la Justice, a droit à être enseigné à l’école, à être représenté au tribunal au moment où l’on va prêter serment, à être parlé au malade à l’hôpital. Il a droit à un culte public dans nos villes; et les chefs d’Etat seront jugés pour avoir violé ce droit imprescriptible du Christ roi, ou pour avoir voulu rester neutres (14).

Ici-bas Notre-Seigneur vient en aide aux peuples qui réclament son secours. Il donne à leurs chefs les inspirations qui les portent à se conformer à l’esprit évangélique, à y conformer leurs institutions, à respecter par exemple la loi divine de l’unité et de l’indissolubilité du mariage, à gouverner pour la sécurité de tous, pour obtenir la paix temporelle subordonnée à celle de l’âme et à la vie de l’éternité. Sous saint Louis en France nous avons vu ce que peut être et doit être le règne de Jésus-Christ dans un pays et dans la chrétienté tout entière.



Dans l’Église, le Christ Jésus exerce sa royauté spirituelle en la gouvernant par son Vicaire, par toute la hiérarchie ecclésiastique: les évêques, les pasteurs, les supérieurs des Ordres religieux. L’hérésie et le schisme ont souvent voulu diviser ce royaume du Christ, mais l’Église restera une et indéfectible jusqu’à la fin des temps. Les efforts de l’enfer ne prévaudront pas. Le Christ est dans son Église, comme il était dans la barque avec Pierre et avec les Apôtres pendant la tempête; il lui suffit de dire un mot pour apaiser la tourmente.

De ce royaume il n’est pas seulement le Maître absolu, mais la tête vivante, qui dirige tout, qui vivifie par les sacrements, qui régénère l’enfant par le baptême, le confirme ensuite, qui sanctifie le mariage, nous rend la grâce par l’absolution, l’augmente par la communion; qui nous soutient à l’agonie, et nous conduit à la vie de l’éternité. C’est lui qui inspire ses ministres, éclaire les docteurs, fortifie les missionnaires, protège les vierges, assiste les familles chrétiennes, y fait germer des vocations. Et s’il permet dans son Église l’imperfection humaine, c’est en vue du plus grand bien, jusqu’à l’heure où le mal sera définitivement vaincu.



C’est enfin dans la direction intime des âmes que Jésus exerce sa royauté spirituelle de la façon la plus profonde et la plus cachée, que Lui seul et son Père pourraient révéler. Ici ce sont des merveilles que manifeste de temps en temps la vie des saints et qui seront connues au dernier jour. Jésus éclaire intérieurement les âmes par les illuminations de la foi, des dons de sagesse, d’intelligence, de science, de conseil. Il nous attire et nous console, en nous inspirant une piété toute filiale envers son Père, envers lui-même et sa sainte Mère. Il nous meut et nous fortifie dans nos bonnes résolutions.

Jésus, comme Dieu, nous a envoyé le Saint-Esprit; comme homme, il a reçu la plénitude de ses dons et veut nous y faire participer. Si nous nous abandonnons pleinement à lui, il nous comblera de ses grâces, nous serons de plus en plus vivifiés par lui, et nous comprendrons expérimentalement que le servir c’est régner, régner avec lui sur nos passions désordonnées, sur l’esprit du monde et celui du démon; nous comprendrons de mieux en mieux le chant du Te Deum: « Tu Rex gloriae, Christe: Vous êtes le Roi de gloire, ô Christ », et la parole du Credo qui ravissait sainte Thérèse en extase: Cujus regni non erit finis (15).

Il convient donc que la souveraineté royale du Christ soit l’objet d’un culte spécial, à l’heure surtout où le laïcisme athée s’efforce de plus en plus de la détruire. L’apostasie officielle de plusieurs nations est un crime qui demande une réparation par un culte non seulement intérieur mais extérieur, non seulement privé mais public, et cette réparation ne peut mieux s’exprimer que par la reconnaissance solennelle, sincère, profonde et effective de la royauté du Christ sur les intelligences, les volontés, les cœurs, sur les nations elles-mêmes et sur leurs chefs. « Oportet illum regnare. Il faut qu’il règne... Et lorsque tout lui aura été soumis, alors il en fera hommage à Celui qui lui aura soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Co 15, 25, 27).

Frère Réginald Garrigou-Lagrange