dimanche 24 janvier 2010

Le testament de Saint Remi.

Faites trésor des testaments de saint Remi, de Charlemagne et de saint Louis, ces testaments qui se résument dans les mots si souvent répétés par l'héroïne d'Orléans "Vive le Christ qui est Roi des Francs".
Saint Pie X, 13 décembre 1908.



"L'Authenticité du Grand Testament de saint Remi"
par l'abbé Dessailly.

Pour bien comprendre l'histoire, il est bon d'avoir de bons principes.


1. Les mauvais principes.

Prenons un exemple dans une autre science pour saisir combien un faux principe peut engendrer d'erreurs difficiles à rectifier.
Tout le monde sait que la théorie de l'évolution s'appuie surtout sur la géologie.
Les géologues ont constaté que sur une grande partie du globe on trouve des roches sédimentaires qui s'empilent par strates (couches de même nature).
Ils posèrent deux principes fondamentaux qui, il y a dix ans encore, étaient reçus comme infaillibles.

a) Chaque strate correspond à une même période, la plus ancienne étant la plus profonde ;
b) Entre chaque strate, il s'est écoulé de très longues périodes : des millions d'années.

Monsieur Guy Berthault, polytechnicien, sédimentologue , membre de la Société Géologique de France, a démontré par ses découvertes qui ont fait l'objet de trois publications dans les comptes-rendus de l'Académie des Sciences et du Bulletin de la Société Géologique de France, que ces deux principes étaient faux. Avec pour conséquence que la base sur laquelle repose tout l'édifice de l'évolutionnisme est une erreur scientifique.
Privée de cette base erronée, la théorie des idées de Darwin s'écroule tel un château de cartes.

Ainsi de mauvais principes imposés comme étant "La Vérité" ont fait errer et feront encore errer de nombreuses générations.

Ocules habent, et non videbunt.
Aures habent, et non audient. Ps 113

Il en est de même en Histoire. :
Le principe : "un fait historique ne peut être considéré comme vrai que si l'on en a une preuve matérielle", est faux.

2. Les bons principes


En 1879, Monseigneur Gaume dans son merveilleux ouvrage : "L'Ëvangélisation Apostolique du globe" (dans la seconde partie : Evangélisation Apostolique des Gaules) écrivait des lignes remarquables sur ce qu'il appelait les "Hypers Critiques". Il est bon de rappeler ces pages 171 et suivantes, aux jeunes générations qui ont trop tendance à admettre comme obligatoires les règles du vrai imposées par l'Université. Citons-le :

«Au milieu d'un riche cortège de traditions, si vénérables et si émouvantes que leur histoire même est de la poésie, l'Eglise catholique semblable à une reine environnée de sa cour, s'avançait tranquillement à travers les âges, lorsque, après de longs siècles de paisible possession, des hommes se levèrent pour lui disputer ses gloires.
Littéraire, artistique, traditionnel, historique même, l'héritage du passé, ou fut répudié tout entier, ou accepté sous le bénéfice du plus partial inventaire.
Le caractère particulier d'un miracle, le silence d'un historien, une erreur de date, l'altération d'un texte, des fautes de copistes quelques variantes dans les manuscrits, l'absence de classicisme dans le langage, et surtout l'ombre d'une intervention surnaturelle furent autant de fins de non-recevoir.
Les récits jusqu'alors les plus autorisés, furent traités de légendes et ceux qui les écrivirent de cuistres et de robins. Ce qui avait obtenu la foi des contemporains les plus respectables devint le produit de cerveaux malades, transmis à la postérité par des esprits trompés ou trompeurs.
Survint le protestantisme, fils des hypercritiques de la Renaissance : Ego peperi ovum, Lutherus exclusit. Contempteur de la tradition universelle, à plus forte raison des traditions locales, il prétendit circonscrire la discussion sur le terrain de la Bible. On lui fit d'imprudentes concessions. Sous prétexte de sauver le cœur de la place, on abandonna les ouvrages avancés. Alors se produisit, dans l'ordre intellectuel, quelque chose d'analogue aux ravages successifs des arbres et des plantes, décrit par le prophète Joël (1-5).
Au protestantisme succéda le jansénisme qui dévora le résidu du protestantisme. Au jansénisme succéda le voltairianisme qui dévora le résidu du jansénisme. Au voltairianisme succéda le rationalisme qui dévore le résidu du voltairianisme : insecte à la dent d'acier qui ne laisse intact aucun fait de l'histoire religieuse...
Ainsi, combattre par tous les moyens le rationalisme homicide n'est pas seulement un devoir religieux mais c'est un devoir social. Tout libre penseur est un libre faiseur. Tout libre faiseur est l'ennemi-né de tout ce qui l'empêche de faire ce qu'il veut. De là sa haine à outrance de tout droit et de toute autorité.
Cependant, dénigrer n'est pas raisonner : nier n'est pas prouver. Traiter notre histoire et nos traditions comme font les rationalistes, n'est pas de la saine critique, mais de la critique malsaine et de la fausse science. Dans cette fièvre continue de négation, il faut voir l'influence du père du mensonge et une maladie de l'esprit humain.
En effet, cette prétendue critique repose sur l'oubli de cinq choses essentielles :
1° Elle oublie que nos aïeux avaient, pour le moins, autant de bon sens que nous et autant de crainte du mensonge : rien ne prouve le contraire.
2° Elle oublie qu'étant plus rapprochés des événements, ils étaient mieux que nous à même d'en juger.
3° Elle oublie qu'avant la Renaissance et l'invention de l'imprimerie, la tradition n'était pas livrée au gaspillage des premiers venus ; qu'il n'y avait ni journaux pour la falsifier, ni faiseurs de lignes à tant la ligne pour la tourner en ridicule ; mais qu'elle se conservait à l'ombre du sanctuaire, dans le calme des monastères, au paisible foyer des familles patriarcales. Cela veut dire que le patrimoine de tous était confié à la garde de la classe la plus savante et la plus vertueuse de la société.
4° Elle oublie que les miracles sont les lettres de créance de l'apostolat ; que dans la vie des saints, surtout des premiers âges, le surnaturel devient le naturel, et que la place de l'homme, assez impertinent pour refuser à Dieu le pouvoir de faire des miracles, n'est ni à l'Académie, ni à l'Institut, mais à Charenton.
5° Elle oublie que les anciens possédaient des détails ignorés aujourd'hui et des monuments que nous n'avons plus. Il est notoire qu'un grand nombre de documents ont péri dans les invasions des barbares, dans les guerres locales, dans les guerres de peuples à peuple, surtout dans les guerres de religion, qui saccagèrent tant de bibliothèques, tant de monastères, et même tant de villes.
... En général, ce qui est moderne a pour nous peu d'attrait, c'est la vérité qui est ancienne, et l'erreur est moderne. Tout ce qui est nouveau en théologie est hérétique ; tout ce qui est nouveau en philosophie est absurde ; tout ce qui est nouveau en politique est révolutionnaire, tout ce qui est nouveau en Histoire est roman.»

Quelles pages admirables ! Voilà ce qu'écrivait au siècle dernier un vrai savant catholique. Voilà les bons principes. L'étude sérieuse et concomitante de ces auteurs anciens, avec celle des auteurs modernes, universitaires ou non, aboutit pratiquement toujours à l'avantage de ces anciens.
Au faux principe cité plus haut et que l'on voudrait imposer partout, s'oppose le vrai principe suivant:
"Dans les événements passés catholiques, s'impose comme vrai, ce qui n'est pas démontré faux par des CONTEMPORAINS catholiques."

Nous précisons bien : catholique, et ce pour deux raisons.
La première se comprend facilement : mon père qui était catholique ne nous mentait jamais. Son père non plus, et il en est ainsi chez tous les vrais catholiques : on ne ment pas ; quand ils ont été trompés et qu'on leur a démontré leur erreur, bien vite et humblement, ils se soumettent. C'est chez les autres que l'on ment, et que l'on persévère dans le mensonge.

La seconde est prouvée par l'Histoire : chaque fois qu'un hérétique a enseigné une erreur, il y a toujours eu un contemporain, clerc en général, qui a défendu la Vérité même au prix de son sang.

Qui aurait pu inventer des faits aussi importants que le Sacre ou la Sainte Ampoule, sans qu'il y ait eu de nombreux contemporains pour s'élever contre, si de tels faits avaient été imaginés ?

Depuis 496, de nombreux Papes, parmi les plus saints comme saint Pie X, de nombreux théologiens, parmi les plus éminents comme saint Thomas d'Aquin, de nombreux historiens, parmi les plus savants comme Baronius, ont cru et enseigné toutes nos traditions ; depuis 496, aucun Pape, aucun théologien, aucun grand historien n'a enseigné le contraire, et il a fallu attendre plus de 1100 ans pour attaquer ce que l'on voudrait aujourd'hui nous faire avaler comme pieuses légendes. De qui se moque-t-on ?

Les historiens modernes nous agressent en exigeant de nous le document d'époque pour prouver un fait. Nous leur répliquons : découvrez-nous le document catholique d'époque prouvant que c'est faux.

Abandonnons les tristes "historiens blasphémateurs" dans le camp de ceux qui haïssent la Vérité et qui nous le prouvent tous les jours. Leur devise est: "Nous ne voulons pas qu'Il règne sur nous". (Luc 19-14). Il peut y avoir d'excellents passages dans leurs écrits, mais sur ces sujets-là, on ne peut se contenter de demi-vérités, qui ne sont finalement que de véritables mensonges.

Oui le Sacre gêne, et gêne beaucoup de monde.
"C'est le grand épouvantail de la révolution. La pensée du Sacre la fait rugir, ricaner, grincer des dents, écumer. La révolution est l'horreur du divin, et par le Sacre, le divin s'épanche à flots sur la nation entière, la nation entière devient odorante des parfums du chrême que le Sacre fait couler sur son chef. La naissance désigne le roi lieutenant, elle ne le fait pas. C'est le Sacre qui le constitue".

Et si le Sacre est vrai, vrais aussi la sainte Ampoule, la conversion de Clovis, toutes nos traditions, et surtout, le pacte entre Dieu et le Fils Ainé. De cela, bien sûr, personne ne veut.

De même pour ce livre, on observera avec profit quels sont ceux qui en parleront et surtout ceux qui n'en parleront pas. Ce sera un test très significatif et très instructif pour discerner les vrais et les faux monarchistes.

En conclusion de cette partie, méditons ces lignes de Le Play :
"Plus je réfléchis, plus je suis consterné de la masse d'idées fausses dans lesquelles nous nous noyons, plus je comprends cette décadence absolue de tant de peuples que nous retrace l'Histoire. C'est l'erreur plus que le vice qui les a perdus. Le grand mal vient des sophistes qui se font une renommée en donnant une forme entraînante à l'erreur.
Le vice et même le crime ont des limites, l'erreur n'en a pas.
Je ne connais rien de plus dangereux que les gens qui propagent des idées fausses, sous prétexte que la nation ne voudra jamais y renoncer. Si elle n'y renonce, elle périra, mais ce n'est pas un motif pour accélérer la décadence en adoptant l'erreur. Il n'y a pas d'autres règles de réforme que de chercher le vrai et de le confesser sans réserve, quoiqu'il arrive. Je conçois qu'un homme prudent se taise momentanément sur le vrai, bien que je condamne cette prudence, mais je repousse tout homme qui se rallie par politique à l'erreur". (cité dans la semaine religieuse de Cambrai, 1884, pages 734 –735.

Et Mgr Delassus commente ainsi :
"Aimons les défenseurs de la vérité. Ils ne sont que des hommes et peuvent avoir des défauts, mais en défendant la Vérité, ils rendent à la société, à l'Eglise et à Dieu Lui-même, le premier de tous les services".

3. Le livre de l'abbé Dessailly.

On sait très peu de choses sur l'auteur, si ce n'est qu'il fut membre de l'Académie de Reims, ce qui n'est pas rien. Il fut avec le chanoine Cerf, lui aussi éminent savant, un des défenseurs des traditions rémoises. Ils furent formés par l'éminent Cardinal Gousset, archevêque de Reims, qui fut certainement le plus grand évêque français de la première moitié du XIXème siècle, comme le sera le Cardinal Pie pour la seconde partie du siècle.
Il faut lire la page que Mgr Fèvre dans son "Histoire du Cardinal Gousset" (rééditée aux ED. Saint-Remi), consacre à cette académie, à son fondateur et protecteur, à ses membres, à leurs travaux, pour comprendre le sérieux de nos pères.

Dans une première partie, l'abbé Dessailly suit pas-à-pas chacun des termes du Grand Testament dicté par saint Remy, prouvant par les notes géographiques, par les legs et par l'identité des légataires, l'authenticité du grand et du petit testament. Il démontre aussi que le petit testament n'est que l'abrégé du grand.

Dans une seconde partie (six chapitres), il raconte l'histoire du testament avant Hincmar, sous Hincmar, jusqu'en 1638, et depuis 1638 à nos jours. Il raconte l'origine récente des attaques, le pourquoi de ces attaques et dénonce les auteurs de ces falsifications.

Dans une troisième partie, il répond aux 13 objections soulevées par les détracteurs, prouvant en retour leur malhonnêteté. Non seulement, ils en ressortent confondus, mais leur défaite confirme indubitablement l'authenticité du testament. Par là même se trouve confirmé le Sacre de Clovis, puisque le grand testament en parle.
Enfin, dans une conclusion de 40 pages, il brosse un portrait inhabituel mais combien lumineux de saint Remy, ce titan de la sainteté et de la politique, souvent méconnu ou caricaturé. Si on a beaucoup parlé de Clovis en 1996, on n'a malheureusement pas assez parlé de saint Remy. Encore moins du "Christ Roi de France". Quelle omission significative !

Ce résumé très rapide est fait pour inciter le lecteur à lire et étudier le livre. Il y trouvera aussi des critiques ou analyses remarquables sur Jansénius p. 179 et 182, sur le gallicanisme p. 178, sur la lettre du pape Horsmidas p. 193, sur les légistes et le Parlement, sur le Concile d'Orléans p. 362, et surtout les criti-ques développées aux pages 228 et suivantes, etc. Enfin au dernier paragraphe du chapitre 13, il découvrira une prophétie étonnante sur la France.

Citons ce passage de la page 228 qui confirme le principe défini plus haut :
"Le premier principe de l'école gallicane, son point de départ est que généralement tout diplôme, toute charte, tout titre ancien doit être suspects, à cause de la multitude d'actes faux qui pullulent dans les archives privées et publiques. Cette suspicion préliminaire à toute étude est formellement contraire aux données de la diplomatique, qui prouve que peu d'actes faux et interpolés ont existé dans le cours des âges, parce que dans tous les siècles il y a eu des lois très sévères contre les faussaires et des lumières suffisantes pour découvrir leurs falsifications. La conclusion est donc l'opposé du principe gallican : c'est qu'un acte ancien transmis par la tradition est digne de toute confiance, à moins de preuves certaines du contraire."

Et l'abbé Dessailly cite le "Traité de Diplomatique" tome IV p.234
"...sur l'article des faussaires et des actes supposés ou falsifiés, nous ne savons si l'on pourrait en rapporter un seul."
Page 111, il précisait : "d'abord les lois ecclésiastiques étaient formelles. Elles exigeaient des évêques une vigilance active sur tous les diplômes et les actes de donation faite aux Eglises. Nous pourrions citer, à partir du IVe siècle surtout de nombreuses prescriptions canoniques à cet égard".

4 Conclusion


Nous ne pourrions faire mieux pour conclure que de citer le cher Jean Vaquié. Dans le numéro spécial de "Lecture et Tradition" (n° 126), de nouveau disponible à DPF, il posait cette question :
"Mais alors jusqu'où allons-nous devoir remonter pour échapper à cette glissade ?"
Et voici sa réponse :
"Il faut, si l'on veut trouver un terrain solide, remonter jusqu'au Sacre de Clovis par saint Remi, à Reims, le jour de Noël 496. C'est là que la race de nos rois a été désignée par Dieu qui a envoyé une huile céleste pour servir désormais de sacramental pour le Sacre. C'est à ce moment-là que Dieu a fondé une autorité temporelle chrétienne pour être le rempart et l'épée de la Sainte Eglise. C'est jusque là qu'il faut remonter pour trouver une base ferme de raisonnement".

On pourrait citer aussi le cher Marquis de La Franquerie, l'Apôtre de la Monarchie de Droit Divin, mais tous les lecteurs ont en mémoire : "La Mission Divine de la France" qui, étayée sur l'enseignement des Saints, des Papes et des Rois, est le livre de référence par excellence.
Nos deux amis connaissaient très bien le livre de l'abbé Dessailly et le considéraient comme le maître-livre sur le sujet. Nous espérons que le lecteur de ces lignes en aura compris l'importance et se fera un devoir de faire connaître ce livre, surtout auprès des jeunes générations qui, peu instruites, ont besoin de tels repères pour savoir, ne pas douter, et combattre.

Louis-Hubert REMY.


Testament de Saint-Rémi.

AU nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Gloire à Dieu, ainsi soit-il.

Moi, Rémi, évêque de la cité de Reims, revêtu du sacerdoce, ai fait mon testament, conformément au droit prétorien ; j’ai voulu qu’il ait la force d’un codicille, dans le cas où il y manquerait quelque formalité. Quand moi, Rémi, évêque, j’aurai quitté cette vie, je t’institue mon héritière, ô sainte et vénérable Église catholique de la ville de Reims, (…) .

[Suit la répartition des biens que possédait Rémi. Au milieu de cette énumération, on trouve ce passage intéressant, car il fait allusion aux miracles accomplis pour le salut des Francs, dont vraisemblablement le miracle de la sainte ampoule :]

A l’égard des villages que mon seigneur d’illustre mémoire, le roi Clovis, que j’ai tenu sur les saints fonts du baptême, m’a donnés en propre, lorsque, païen encore, il ne connaissait pas le vrai Dieu, je les ai consacrés aux lieux les plus pauvres, de peur qu’il ne crût, infidèle qu’il était, que je fusse attaché aux choses de ce monde et moins occupé de son salut que des biens temporels. Il a admiré ma conduite, et a consenti avec bonté et générosité, tant avant qu’après son baptême, que j’intercédasse en faveur de tous ceux qui souffraient .

Comme il a reconnu que de tous les évêques de la Gaule, c’est moi qui ai le plus travaillé à la conversion des Francs, Dieu m’a donné tant de crédit auprès de lui, et la vertu divine, par la grâce du Saint-Esprit, a fait opérer par moi, pauvre pécheur, tant de miracles pour le salut des Francs, que le roi a non seulement restitué à toutes les Églises du royaume tout ce qu’on leur avait enlevé, mais encore en a enrichi beaucoup d’autres de son bien propre, par un effet gratuit de sa libéralité 3. (…)

Que le présent testament, observé fidèlement et inviolablement par mes frères et successeurs les évêques de Reims, maintenu et défendu partout par mes très chers fils les rois de France par moi consacrés au Seigneur à leur baptême, par un don gratuit de Jésus-Christ et la grâce du Saint-Esprit, obtienne à tout jamais une force inviolable et perpétuelle dans ses dispositions, envers et contre tout (…)

Seulement, par égard pour la famille royale qu’avec tous mes frères et co-évêques de la Germanie, de la Gaule et de la Neustrie, pour l’honneur de la sainte Église et la défense des pauvres, j’ai choisie délibérément pour être élevée à tout jamais au sommet de la majesté royale, que j’ai baptisée, que j’ai tenue sur les fonts baptismaux, marquée des sept dons du Saint-Esprit, et sacrée de l’onction des rois, par le saint chrême du même Saint-Esprit, j’ai ordonné ce qui suit :

Malédictions

Si un jour cette famille, tant de fois consacrée au Seigneur par mes bénédictions, rendant le mal pour le bien, usurpe, ravage ou détruit les églises de Dieu, et s’en déclare l’ennemie ou la persécutrice, que les évêques du diocèse de Reims soient convoqués et lui fassent d’abord des remontrances, qu’ensuite l’Église de Reims, s’adjoignant sa sœur l’Église de Trèves, aille une deuxième fois trouver le roi. La troisième fois, que trois ou quatre archevêques des Gaules seulement soient convoqués et fassent des remontrances au prince, quel qu’il soit en sorte que la longanimité de la tendresse paternelle diffère jusqu’au septième avertissement, si les premiers n’obtiennent aucun succès .

Enfin, si au mépris de toutes les remontrances, il ne dépose pas cet esprit d’obstination incorrigible, s’il refuse de se soumettre à Dieu et de participer aux bénédictions de l’Église, que tous prononcent contre lui la sentence de séparation du corps de l’Église, par la formule que l’on sait avoir été chantée il y a longtemps par le prophète-roi David, sous l’inspiration de ce même Saint-Esprit qui est dans les évêques : « Parce qu’il a persécuté l’indigent, le pauvre, l’homme au coeur contrit, parce qu’il ne s’est point souvenu de la miséricorde et qu’il a aimé la malédiction, celle-ci lui arrivera ; il n’a point voulu de la bénédiction, elle s’éloignera » ( Et tout ce que l’Église a l’habitude de chanter de Judas le traître et des mauvais évêques, que toutes les églises le chantent de lui) .

Parce que le Seigneur a dit : « Tout ce que vous avez fait au plus petit des miens, c’est à moi que vous l’avez fait, et tout ce que vous ne leur avez pas fait, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » (Mt 25, 40 & 45), ainsi ce qui est vrai pour la tête l’est aussi pour les membres. Il ne faut changer qu’un seul mot par interposition : « Que ses jours soient abrégés et qu’un autre reçoive l’autorité royale 2 ! » (Ps 108, 8.)

Si mes successeurs les archevêques de Reims négligent d’accomplir ce que j’ai ordonné, qu’ils soient frappés de malédictions et qu’ils subissent les peines portées contre les princes : « Que leurs jours soient abrégés, et qu’un autre reçoive leur évêché . »

Bénédictions

Mais si Notre Seigneur Jésus-Christ daigne écouter les prières que je répands tous les jours en présence de la majesté divine, spécialement pour la persévérance de cette famille royale, suivant mes recommandations , dans le bon gouvernement de son royaume et le respect de la hiérarchie de la sainte Église de Dieu, qu’aux bénédictions que le Saint-Esprit a versées par ma main pécheresse sur la tête de son chef, le même Esprit-Saint joigne d’autres bénédictions plus abondantes, et que de lui sortent des rois et des empereurs qui, pour le présent et pour l’avenir, selon la volonté du Seigneur, confirmés dans la vérité et la justice pour l’extension de la sainte Église, puissent conserver le royaume et en reculer chaque jour les limites ; puissent-ils être élevés aussi sur le trône dans la maison de David, c’est-à-dire dans la Jérusalem céleste, pour y régner éternellement avec le Seigneur. Ainsi soit-il .

Fait à Reims même jour que dessus, et sous le consul sus-nommé, en présence et avec la participation des soussignés :
+ Moi, Rémi, évêque, j’ai relu, signé, scellé et fermé ce testament, avec la grâce de Dieu, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.