mercredi 27 janvier 2010

La souveraineté du peuple - hérésie.

INTRODUCTION

Ce qui divise la France en deux camps, ce n'est pas la forme du gouvernement c'est le principe de l'autorité.
Nous sommes en présence de deux doctrines : celle de l'Eglise : «Tout pouvoir vient de Dieu», et celle de la Révolution : «Tout pouvoir vient du peuple».
L'une et l'autre peuvent s'adapter aux différentes formes du pouvoir politique. La première a trouvé son application dans les républiques de Venise, de Gênes et des cantons Suisses, comme dans la monarchie française. La seconde a dominé les monarchies constitutionnelles, comme les trois républiques qui se sont succédées, en France, depuis la Révolution.
Tout n'est donc pas dit quand on s'est proclamé républicain ou monarchiste ; mieux vaudrait dire si l'on est partisan ou adversaire de la souveraineté du peuple.
Pourquoi, en pratique, la division se manifeste-t-elle plutôt, sur la forme que sur le principe de l'autorité ? Est-ce pure équivoque et malentendu ? Non.
C’est que, en réalité, si toutes les formes politiques sont conciliables avec l'une et l'autre doctrine, il en est cependant qui répondent plus complètement à l'une ou à l'autre.
La philosophie enseigne que la monarchie est la meilleure forme de gouvernement et si l'Eglise devait se prononcer un jour sur la question de principe, sans proscrire aucune forme régulière, c'est en ce sens qu'elle le ferait.
Nous savons, d'autre part, que les partisans de la souveraineté du peuple, préfèrent la république à la monarchie, même constitutionnelle, et l'établissent ou tendent à l'établir partout.
Il est donc naturel qu'en France, pays de la logique et des conséquences extrêmes, la lutte des deux principes se manifeste par la lutte des formes politiques qui en sont, chacune pour sa part, la plus parfaite expression.
Avant tout, il faut poser nettement la question, telle qu'elle s'agite dans les esprits, afin d'avoir une pierre de touche qui permette aux vrais enfants de l'Eglise de se reconnaître, et qui fasse l'union, en séparant le bon grain d'avec l'ivraie.
Si les catholiques sont divisés, c'est parce qu'ils ne sont pas assez séparés de leurs ennemis.
Plusieurs se laissent prendre aux apparences et aux formules ; il faut mettre en lumière et en évidence l'objet fondamental du débat et montrer où est l'ennemi, si vraiment on veut le vaincre.
Le dogme révolutionnaire de la souveraineté du peuple ; voilà l'ennemi !
Tant que cette erreur dominera les esprits, il n'y aura pas, dans le monde, un seul gouvernement qui puisse rester chrétien.
La monarchie chrétienne sera impossible, faute d'un peuple qui sache obéir, et d'un roi qui ose commander.
La république chrétienne sera plus impossible encore, parce qu'il est insensé d'établir un gouvernement populaire, là ou le peuple ne connaît pas de limites à sa souveraineté.
Il faut donc que tous les efforts de l'Eglise et des catholiques tendent à ce but : proclamer la déchéance de l'homme qui a usurpé, dans la société, la place de Dieu !
L'Eglise, un jour, le fera.
Elle frappera d'anathème, le dogme fondamental de la Révolution :
«Si quelqu'un dit que la souveraineté ne vient pas de Dieu, mais du peuple et réside essentiellement dans la nation, qu'il soit anathème».
Ce sera le jour du triomphe !
Mais, en attendant, nous catholiques, parlons, et proclamons hautement, en face de la bête révolutionnaire, ivre du sang des âmes qu'elle dévore, la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ, source unique et seul maître de toute souveraineté.
C'est là, je le reconnais, un programme qui serait peu goûté des électeurs, et voilà le souci qui a rendu insuffisants et inefficaces les programmes rédigés jusqu'ici par les catholiques.
Mais le programme du parti catholique, ne doit pas être un programme électoral.
L'Eglise ne peut pas établir le peuple juge de ses différends avec l'Etat.
Si nous soumettons ses droits et ses immunités au verdict du peuple souverain, nous sommes bien coupables.
Prenons part aux luttes politiques pour instruire et non pour séduire.
Apprenons au peuple que s'il veut de bons gouvernants, il faut qu'il consente à avoir des maîtres.
Rappelons lui qu'il détient contre le bon sens et la justice, les droits incessibles du pouvoir souverain, et, si nous descendons dans l'arène politique, que ce ne soit pas pour lui dire l'Ave César des gladiateurs, mais le Credo des martyrs.


CHAPITRE II

Conclusion pratique.

La république actuelle, avec ses hommes et ses lois, est le châtiment de la France.
La France, nation préférée, fille aînée de l'Eglise, comblée des dons naturels et surnaturels de Dieu, la France a péché.
Dans une même heure de révolte et de folie, elle a renié le Christ, son Dieu, elle a tué son père le Roi très chrétien.
La France est punie.
Depuis ce jour de crime la nation n'est pas seulement divisée, elle est mutilée, décapitée.
« C'est en punition du péché que les impies arrivent au pouvoir avec la permission de Dieu. »
Ainsi conclut saint Thomas quand il examine les moyens de remédier à la tyrannie :
« Il faut cesser de pécher pour que cesse la plaie des tyrans. »
« Tollenda est igitur culpa ut cesset tyrannorum plaga. »
Voilà le principe d'ou il faut partir pour trouver un remède à nos maux.
Tollenda est culpa!
Le péché de la France moderne est double.
Il y a en elle un péché d'origine : l'apostasie et le régicide en un mot, la Révolution.
Il y a en elle un péché actuel : la prétention du peuple à la souveraineté, la méconnaissance de toute autorité qui n'émane point de lui ; c'est-à-dire, l'impénitence dans le péché de révolution.
Dieu qui aime la France, lui fait sentir le poids de sa colère.
« Regnare facit hominen hypocritam propter peccata populi. » (Job, XXXIV, 30).
Le juif et le franc-maçon, l'homme hypocrite, règnent sur nous.
Il faut faire comprendre au peuple pourquoi et comment il est puni, si l'on veut qu'il se convertisse et que Dieu lui pardonne.
Prêchez donc, vous qui parlez de Dieu, prêchez la grandeur du crime et la justice de l'expiation. Ne laissez pas le peuple oublier qu'il est coupable. Héritier d'un bien mal acquis, il faut qu'il le sache et qu'il le rende: à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu.
A César, c'est-à-dire à celui qui gouverne sur terre, le peuple doit rendre le pouvoir souverain, dans l'ordre temporel : l'autorité de faire et d'imposer la loi.
A Dieu, le peuple doit de le reconnaître pour son juge et de professer, comme nation, le culte qu'il a Lui-même institué.
Il faut prêcher l'obéissance à Dieu, d'abord, puis à tous ceux qui commandent en son nom et suivant sa loi.
Il faut que les catholiques apprennent à haïr la Révolution ; il faut la leur montrer sous son vrai jour, avec ses hontes, ses infamies et ses crimes.
Il faut que les catholiques apprennent à mépriser « la civilisation moderne, le progrès et le libéralisme », avec lesquels l’Eglise, leur mère, « ne doit pas et ne peut pas se réconcilier ni transiger ».
Il faut qu'ils rompent, enfin, avec les erreurs et les illusions du siècle, dont la plupart subissent inconsciemment l'oppression.
Il faut qu'ils sachent résister autrement que par des paroles ; non seulement en protestant contre les lois impies, mais en les violant.
Il faut qu'ils revendiquent les libertés de l'Eglise, non pas en se plaçant sur le terrain condamné du droit commun, mais au nom des droits supérieurs de la vérité et de la Justice, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Roi des Rois.
Il faut qu'ils appellent le parlementarisme un mensonge, la liberté des cultes un délire, le libéralisme une peste et la souveraineté du peuple une hérésie.
Le jour où le peuple catholique de France, serré autour de ses chefs, saura penser, parler et agir de la sorte, la révolution sera finie et la patrie sauvée.
Alors, il sera facile de s'entendre sur le choix d'un chef ou d'une forme de gouvernement. Ceux qui nous auront conduits à la victoire, par un tel chemin, sauront faire leur devoir jusqu'au bout.
Dieu comblera la France catholique de ses dons, et vainqueur de ses ennemis, nous donnera des maîtres selon son cœur.
Sedem ducum superborum destruxit Deus, et sedere fecit mites pro eis. (Eccli., X, 17.)


CHAPITRE III

L'obstacle.

Plusieurs parmi les lecteurs, trouveront assurément les lignes précédentes trop mystiques et ne verront rien de moins pratique qu'une telle conclusion pour un tel travail.
Vous qui pensez ainsi, vous êtes l'obstacle au salut.
L'obstacle au salut, ce sont les catholiques qui songent uniquement aux moyens humains, en un péril où Dieu seul peut nous sauver.
Or, les moyens humains, ne sont pas seulement impuissants à nous sauver, ils hâteront notre ruine.
Quels moyens avons-nous, humainement, de sauver la religion et la France ?
Ceux que nous donne la Constitution.
Et quel moyen la Constitution nous donne-t-elle ?
Le suffrage universel, seulement.
C'est-à-dire, précisément ce qui perpétue et enracine au cœur de la France le péché mortel de révolution.
C'est-à-dire, la grâce du peuple souverain, grâce promise au prix de quelles humiliations et de quelles bassesses! grâce toujours révocable et sans cesse rachetée.
Comment jetterez-vous l'anathème sur le dogme de la souveraineté populaire, si vous attendez d'elle le salut ?
Comment proclamerez-vous les droits imprescriptibles et divins de l’Eglise, si le programme du parti que vous fondez pour la défendre est un programme électoral, destiné à rallier la majorité des hommes de ce temps ?
O infernale ruse de l’esprit de mensonge qui nous accule dans ce défilé!
Passez, Ô catholiques, sous les fourches caudines des votes populaires! il n’y a pas d’autres issue!
Alors les défaillances se préparent ; on s’étudie à gagner l’opinion, on réduit le bagage importun des principes au strict nécessaire ; on est « libéral » ami du « progrès » admirateur passionné de la « civilisation moderne ».
« Qu’est-ce que le peuple, dit saint Jean Chrysostome, quelque chose rempli de tumulte et de trouble... Est-il plus misérable que celui qui le sert ? Que des gens du monde y prétendent, cela est tolérable, bien qu’en vérité intolérable ; mais que ceux qui disent avoir quitté le monde souffrent d’un tel mal, cela est plus intolérable encore » .
Et parmi ceux qui ont quitté le monde, il en est qui souffrent de ce mal du monde et que le monde n’a pas quittés ; il en est qui prétendent tout concilier, tout unir : la vérité avec le mensonge, la lumière avec les ténèbres, la souveraineté du peuple avec les droits de Dieu.
On célèbre déjà le triomphe de leurs doctrines ; tout en restant ennemis de l’Eglise, ceux qui persécutent se font leurs amis ; les âmes périssent et la paix règne entre les loups et les pasteurs.
Il ne faut pas réveiller les colères du peuple, le maître va parler, l’heure des élections approche ; silence !
En nous faisant bien humbles, bien petits, nous tiendrons peut-être l’indulgence dont nous avons besoin, pour nous faire pardonner le crime d'exister encore.
Et pendant que l’on se tait, l’erreur parle, les mille voix de la presse déversent sur les âmes un flot de boue et de mensonge, et l'on n'entend plus que le bruit de ce flot, et l'on oublie tout, jusqu'à la langue dans laquelle se parle la vérité ; en sorte que si une voix la proclame, et qu'on l'entende, sa parole inconnue produit un scandale ou se perd dans la nuit.

Voilà l'obstacle au salut : c'est le libéralisme catholique.

FRAPPEZ LES CATHOLIQUES-LIBERAUX ET VOUS TUEREZ LA REVOLUTION !


Charles Maignen, Docteur en théologie - 1892